Centre d'accueil de jeunes handicapés © Nathanaël Mergui/Mutualité française
Centre d'accueil de jeunes handicapés © Nathanaël Mergui/Mutualité française

Une démarche préventive dédiée au secteur médico-social

par Alexia Eychenne / avril 2023

Lancé en 2018 par plusieurs acteurs de la prévention des risques professionnels en région Centre-Val de Loire, l’outil Mesocap aide les structures médico-sociales à faire émerger les difficultés vécues par leurs salariés et à améliorer les conditions de travail.

A Montoire-sur-le-Loir (Loir-et-Cher), l’Hospitalet abrite un foyer d’accueil médicalisé pour personnes handicapées et un service de soins de suite et de réadaptation. L’établissement, avec 200 salariés, parmi lesquels des soignants, des professionnels de la restauration ou de la maintenance, doit faire face à une conjugaison de risques physiques, organisationnels et psychosociaux. « Nous avons par exemple identifié des difficultés pour les professionnelles de la laverie, qui souffraient de douleurs aux épaules car elles recevaient en vrac les tenues des salariés qu’elles devaient ranger dans les casiers, illustre sa directrice générale, Angélique Brillard. Elles devaient aussi parcourir les 1 000 m2 du site pour répartir les dotations en linge, tâches peu intéressantes et source d’usure. »
Pour reconnaître ces risques et mieux les prévenir, l’Hospitalet a eu recours à Mesocap, un outil lancé en 2018 par l’agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) Centre-Val de Loire et la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), avec l’appui de services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). « Les entreprises du médico-social n’avaient pas d’outils de prévention des risques globaux, retrace Isabelle Freundlieb, directrice de l’Aract. On a essayé d’en construire un qui leur permette d’identifier les domaines où intervenir en premier lieu. »

Visualiser les actions prioritaires

Mesocap repose d’abord sur un questionnaire, soumis à un comité de pilotage composé de huit à dix salariés, autour de sept thématiques, dont la prise en compte de la charge de travail, de la santé et la sécurité, de la reconnaissance, des relations avec les usagers ou leur famille… Chaque réponse donne un score, de 0 à 2, qui s’additionne aux autres et alimente un graphique. « En un clin d’œil, l’entreprise visualise les axes à traiter en priorité, à améliorer et à préserver, pour établir un plan d’action », explique Isabelle Freundlieb.
A l’Hospitalet, la question du sens au travail est ressortie comme une priorité. Pour y répondre, la direction de l’établissement a décidé de « repositionner les salariés sur leur cœur de métier », déclare Angélique Brillard. Dans le cas des employées de la laverie, le transport du linge a été confié à un prestataire. « Nous avons aussi externalisé le transport des conteneurs de déchets : ce n’était pas très valorisant pour les salariés de la maintenance, en plus de générer des risques, commente la directrice générale. En revanche, on les a formés pour qu’ils assurent des tâches de rénovation, plus valorisantes. » Mesocap a également révélé que les salariés souffraient d’être sans cesse interrompus. D’où, là aussi, des aménagements. « Le médecin qui était dérangé en continu par des appels dispose maintenant de plages horaires dédiées, comme les assistances sociales », précise Angélique Brillard.
Pour aider les structures à s’approprier Mesocap, ses concepteurs ont testé trois types d’accompagnement. « On pouvait laisser les entreprises s’emparer du kit, les accompagner individuellement, ou avec d’autres dans des actions semi-collectives », détaille Isabelle Freundlieb. Ce dernier mode s’est révélé le plus pertinent. « Le fait de côtoyer d’autres établissements permettait d’enrichir les données et de faire des analyses comparatives, estime Fabrice Perbet, ergonome à l’APST du Loir-et-Cher, SPSTI qui a soutenu cinq structures. Notre action s’est déroulée en trois temps : la formation à l’outil, la présentation des résultats de l’autodiagnostic, puis celle des actions menées. »

« Libérer la parole »

Pour déployer Mesocap, chaque établissement a mis sur pied deux équipes : un comité de pilotage, pour répondre au questionnaire et élaborer le plan d’action, et un binôme chargé de participer aux groupes de travail avec les services de santé et de prévention. « Il nous a semblé indispensable que les membres du CSE soient présents dans l’une ou l’autre, voire les deux, souligne Isabelle Freundlieb. On recommandait en revanche que des membres de la direction n’en fassent pas partie, pour mieux libérer la parole. » « Dans plusieurs structures, Mesocap a créé un espace de dialogue social consensuel, où l’on peut s’ouvrir à l’écoute des conditions de travail des uns et des autres, qui donne l’opportunité de croiser les regards. C’est ce qui a permis de relever des problématiques jamais exprimées jusque-là », abonde Marie Murcia, directrice adjointe de l’Association de prévention en santé au travail Centre-Val de Loire, qui réunit les huit SPSTI de la région.
A l’Hospitalet, Angélique Brillard se félicite que le comité de pilotage de Mesocap, qui n’intégrait pas de cadres, ait fait émerger des difficultés inaperçues : « En prenant le temps de demander aux professionnels d’exprimer leur ressenti, des problèmes parfois tout bêtes sont apparus : par exemple, les équipes de nuit passaient leur temps à courir après le matériel, comme des thermomètres… Jusque-là, ces salariés ne se plaignaient pas. Ils considéraient que cela faisait partie des contraintes du quotidien. »
Une vingtaine d’établissements ont utilisé Mesocap. Ses fondateurs réfléchissent à son élargissement. « Dans le cadre du quatrième plan régional de santé au travail, on travaille sur sa réplication à un autre secteur », indique Marie Murcia. L’Hospitalet a de son côté prévu d’intégrer les questions de Mesocap dans sa démarche TMS Pro, une autre méthodologie de prévention centrée sur les troubles musculosquelettiques (TMS). La direction juge que l’outil encourage une culture du dialogue, qu’elle s’efforce de pérenniser. « Aujourd’hui, notre document unique de prévention des risques professionnels (DUER) est fait avec nos équipes, assure Angélique Brillard. C’est Mesocap qui nous a permis de mûrir cette démarche. »