Double peine

par François Desriaux rédacteur en chef / janvier 2012

C'est reparti pour un tour. A chaque fois qu'il y a besoin de trouver un nouveau train d'économies pour le financement de la Sécurité sociale, le gouvernement et sa majorité s'en prennent volontiers aux malades, qui coûtent trop cher, et aux faux arrêts maladie, qui nuisent à la compétitivité de notre économie. Après les franchises médicales, la fiscalisation des indemnités journalières (IJ) en cas d'accident du travail, c'est maintenant au tour des salariés malades de passer à l'essoreuse budgétaire.

Entre le nouveau mode de calcul des IJ imaginé par Xavier Bertrand - lequel faisait baisser leur montant de 6 % -, l'établissement d'un jour de carence supplémentaire, puis finalement la baisse des IJ pour les travailleurs gagnant 1,8 fois le Smic, la discussion au sein de la majorité a démontré que celle-ci considérait le travailleur malade comme un fraudeur. Evidemment, la réalité est très éloignée de cette vision moralisatrice. Quand on interroge les médecins généralistes, ils témoignent surtout de la difficulté pour les salariés d'accepter un arrêt maladie ou un traitement qui va les tenir éloignés de leur entreprise pendant un certain temps. A cause de la pression du travail, de leur hiérarchie ou de la précarité.

Quand on regarde les chiffres, l'augmentation des dépenses liées aux arrêts maladie est essentiellement due à la progression des arrêts de longue durée. Cela n'a rien d'étonnant. C'est une des conséquences inévitables des deux réformes des retraites de 2003 et de 2010. En supprimant sans discernement la quasi-totalité des dispositifs de préretraite, en allongeant les durées de cotisation sans régler le problème de la pénibilité, la majorité a fait des choix qui ne pouvaient qu'aboutir à une augmentation des arrêts maladie de longue durée. Il est dommage qu'elle soit frappée d'amnésie aujourd'hui, car les données scientifiques étaient connues, notamment les travaux du Conseil d'orientation des retraites et les résultats de l'enquête Santé et vie professionnelle après 50 ans (SVP50) menée en 2003.

Ainsi, gouvernement et majorité parlementaire ne pouvaient ignorer que, sur cette population des plus de 50 ans en activité, les atteintes rhumatologiques touchaient près du quart des salariés ; ni que les pathologies cardiovasculaires concernaient 17 % des hommes et 12 % des femmes ; ou encore que les médecins du travail ayant participé à cette enquête estimaient que 11 % des salariés devaient cesser leur activité professionnelle compte tenu des conditions de travail qu'ils supportaient. Autant de réalités qui, avec les troubles psychiques et les cancers, expliquent la progression des arrêts maladie de longue durée.

Le gouvernement ne peut ignorer non plus que, pour une bonne part, l'augmentation de ces maladies chroniques est liée aux conditions de travail. Pourtant, il vient de tailler de façon conséquente dans le budget de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et de ses associations régionales, mettant ainsi à mal toute la politique d'aide et d'assistance aux entreprises pour le maintien des seniors dans leur emploi.

C'est donc la double peine pour les salariés vieillissants : ils devront supporter plus longtemps des conditions de travail incompatibles avec leur état de santé et, s'ils sont contraints d'être en arrêt maladie, ils seront moins bien indemnisés.