Du sens et du temps

par
© Nathanaël Mergui/FNMF © Nathanaël Mergui/FNMF
François Desriaux, Rédacteur en chef
/ octobre 2022

Nous y voilà ! Périodes caniculaires à répétition, incendies voire mégafeux en France et en Europe, pluies torrentielles et inondations dévastatrices au Pakistan… Peu d’endroits sur la planète peuvent constituer un refuge contre le réchauffement climatique et peu de Terriens ont été épargnés cet été par les prémices de ce qui nous attend dans un futur que l’on pensait plus lointain. C’est déjà demain, hélas !
Nous y voilà aussi sur le front de la faillite des services publics. Des urgences à l’hôpital obligées de fermer leurs portes faute de personnel et de lits, des recrutements sous forme inédite de job dating à l’Education nationale pour tenter vainement de combler le déficit de milliers d’enseignants à la rentrée, près d’une vingtaine de RER C supprimés chaque jour en région parisienne à cause de la pénurie de conducteurs, ou encore une Inspection du travail privée de ses moyens. Comme on a pu le lire avec un humour féroce sur les réseaux sociaux, « qui aurait pu prévoir qu’à force de supprimer des postes de fonctionnaires, de dévaloriser leur travail et de laisser croire qu’on peut toujours faire plus et mieux avec moins d’agents, on finirait par manquer de personnel ? »
Nous y voilà enfin, avec la « grande démission ». Des millions de salariés quittent leur boulot chaque mois aux Etats-Unis. En Chine aussi, les protestations contre les horaires et les cadences ont un temps inondé le Twitter national avec le Tangping – littéralement « s’allonger à plat » – afin de lutter contre le modèle du « 996 » : travailler de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine. En France, les entreprises peinent à recruter partout où la réputation de mauvaises conditions de travail et de pénibilité des postes précède les petites annonces : dans les industries agricoles et alimentaires, les hôtels-cafés-restaurants, les transports ainsi que la santé et l’action sociale.
Ces trois constats devraient conduire notre société à lancer en urgence une réflexion et un grand débat sur la soutenabilité de notre modèle de développement, tant pour la planète que pour ses locataires. Qu’il s’agisse des ressources naturelles ou des ressources humaines, on peut difficilement contester qu’elles sont épuisables et qu’il devient indispensable d’en prendre soin.
S’agissant des secondes, deux ouvrages publiés en cette rentrée par des habitués de nos colonnes devraient fournir aux acteurs sociaux et politiques la matière première indispensable pour penser un autre monde du travail. Dans Redonner du sens au travail, Thomas Coutrot et Coralie Perez nous invitent à réfléchir à la finalité de celui-ci et aux manières de restaurer la possibilité de le faire bien pour l’ensemble des salariés. Avec Le travail pressé, Corinne Gaudart et Serge Volkoff nous donnent des clés pour sortir de la civilisation de la hâte et pour travailler autrement. Certes, ces deux thématiques n’épuisent pas le sujet, mais elles sont à la racine de bien des maux auxquels s’attaquer en priorité.