© Adrien Herda
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Le DUER, outil pivot de la prévention des risques

par Catherine Jordery, experte CSE / janvier 2023

C’est un des temps forts rythmant la vie des CSE au moins une fois par an : l’examen du document unique d’évaluation des risques (DUER). Revue de détail de cette pièce maîtresse dans le dispositif de protection des salariés, renforcée par la loi d’août 2021.

Le DUER, c’est quoi ?
Le document unique d’évaluation des risques (DUER), réalisé sous la responsabilité de l’employeur, recense et hiérarchise les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs. C’est un élément majeur du dispositif de prévention. Une circulaire1 de 2002 précise certains critères pour le construire : il doit être lisible par tous, cohérent, remis à jour au minimum une fois par an ; l’évaluation des risques doit être réalisée par « unité de travail ». Le DUER est obligatoire aussi bien dans le privé que dans les fonctions publiques.

A quoi ça sert ?
Le DUER catalogue de manière systématique et exhaustive les risques professionnels, sans attendre la survenue d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ce recensement n’est pas une fin en soi : l’évaluation des risques et leur priorisation ouvre la voie à un plan d’action, contenant des mesures pour les réduire ou les éradiquer (on parle alors de prévention primaire), ou pour diminuer l’exposition des salariés, si les facteurs de risque ne peuvent être supprimés. Appelé programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Papripact), il liste les actions à réaliser dans l’année. Assez logiquement, en fin d’exercice, on procédera à un bilan, consigné dans un document intitulé rapport annuel santé, sécurité et conditions de travail (ou bilan SSCT).
Evaluation, plan d’action, bilan sont trois phases qui se répètent annuellement, impulsant une dynamique de prévention.

Qui le fait et quand ?
L’évaluation des risques relève de la responsabilité de l’employeur, avec la « contribution » des représentants du personnel et, quand elle existe, de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). C’est un des apports de la loi d’août 2021. Il revient à chaque CSE, en fonction du dialogue social et des habitudes de travail avec l’employeur, de définir la manière dont cette participation à la réflexion peut avoir lieu.
Le document est présenté aux élus pour avis au moins une fois par an. Il doit être révisé lors de tout incident, que ce soit un accident du travail ou une maladie professionnelle, ou lors de changements organisationnels ayant un impact potentiel sur les facteurs de risque.

Que change la loi d’août 2021 ?
Depuis la dernière loi réformant la santé au travail, le DUER et ses versions successives doivent être conservés pendant au moins quarante ans sur un portail accessible à tous les travailleurs, y compris à ceux qui ne sont plus en activité, et à toute personne ou instance ayant un intérêt à le consulter – par exemple, des salariés ayant une maladie liée à une exposition professionnelle au sein de l’entreprise, mais survenue après leur départ de celle-ci. Pour les structures employant plus de 50 salariés, il est désormais obligatoire de présenter un document Papripact séparé de celui du DUER. Pour chaque mesure de prévention envisagée, il faut préciser le calendrier de mise en œuvre, les coûts, les indicateurs de résultats et les ressources mobilisées.
Depuis le 30 mars 2022, le DUER, le Papripact et le rapport annuel SSCT doivent être présentés au CSE pour information et consultation. Et ce, tous les ans et lors de chaque mise à jour.

Comment élabore-t-on ce document ?
Comme l’indique la circulaire de 2002, l’évaluation des expositions aux risques professionnels est nécessairement une démarche participative, impliquant les travailleurs eux-mêmes. Ce n’est pas en se basant sur une fiche technique de poste, par exemple, qu’il est possible d’effectuer une telle évaluation.
Une des difficultés importantes dans la rédaction d’un DUER est la délimitation des « unités de travail » au sein desquelles le recensement des risques doit être mené : parle-t-on d’une équipe, d’un service, d’un métier, voire d’un site ? Rien n’est figé ni écrit. L’idée est de définir un groupe de travailleurs exposés aux mêmes risques et/ou qui pourront appliquer une même mesure de prévention. Place donc au pragmatisme et au dialogue.

Les chausse-trappes à éviter
C’est l’un des principaux travers des DUER : la compilation de tableaux Excel, avec une quantification de la fréquence et de la gravité des expositions, mais aussi de la maîtrise du risque, le tout orné de formules mathématiques et statistiques aboutissant à un chiffre global qui détermine la priorisation. Comme certains fichiers sont trop longs ou illisibles, on colorie le document pour aider les élus dans leur lecture : le rouge égale danger, le vert indique « rien à signaler »…
Attention donc aux complexités inutiles et aux fausses simplifications : une formule mathématique ne fait pas tout, et surtout ne remplace pas l’esprit critique et l’appréciation qualitative ; de même, les codes couleur ne doivent pas inciter à ne se préoccuper que des risques affichés dans le rouge. Toute méthode, aussi arithmétique ou colorée soit elle, doit de toute façon être discutée au sein du CSE.
Parfois, les entreprises couplent le DUER avec le suivi de la norme ISO 45 001 sur le management de la santé et de la sécurité au travail, ce qui alourdit encore davantage le document, en introduisant des critères supplémentaires propres à cette certification.
Ces éléments rappellent que notre prévention est historiquement issue d’une culture industrielle, avec une approche quantitative, souvent assurantielle, qui ne permet pas de rendre compte de tous les risques. L’évaluation des risques psychosociaux, en particulier, en fait souvent les frais.

  • 1Circulaire DRT n° 6 du 18 avril 2002