EDF doit revoir les conditions de travail dans ses centrales nucléaires

par Stéphane Vincent / 03 août 2012

Dans deux notes envoyées à EDF en juin, l’Autorité de sûreté nucléaire pointe de nombreuses infractions à la réglementation sur le temps de travail dans les centrales et s’inquiète des conditions de recours à la sous-traitance, en pointant des risques pour la sûreté des installations.

EDF ne se contente pas d’éclairer les Jeux olympiques de Londres, comme elle s’en vante dans sa récente campagne publicitaire. Si l’on en croit une récente note de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF impose également à ses agents des centrales nucléaires des conditions de travail dignes d’un marathon. Dans cette note datée du 22 juin 2012, envoyée aux directeurs des centrales nucléaires et dont Santé & Travail a pris connaissance, l’autorité de contrôle pointe en effet de nombreuses infractions concernant les durées réglementaires du travail et les périodes de repos obligatoires.

Procès-verbaux

Ce problème n’est pas récent, puisque des inspections menées sur le terrain par les inspecteurs du travail de l’ASN depuis 2007 ont déjà abouti à des procès verbaux et à des condamnations concernant le non-respect de la législation sur le temps de travail. Plus récemment, en 2010 et 2011, des contrôles ont été effectués par l’inspection du travail sur les sites de Civaux, Chooz, Nogent, Chinon, Saint-Laurent, Belleville, Dampierre, Paluel, Penly, Fessenheim et Golfech. Le résultat est édifiant et alarmant. A tel point qu’un procès verbal a été envoyé au parquet concernant les sites de Paluel et Penly.

Sur le premier site, 771 situations infractionnelles ont été repérées, avec des journées de travail supérieures à 10 heures, des semaines de plus de 48 heures, des temps de repos inférieurs à 11 heures et l’absence d’un outil de décompte précis et fiable des heures de travail réellement effectuées. Sur le second, 602 situations infractionnelles ont été relevées sur les mêmes points. Mais d’autres sites ne sont pas en reste, comme Chinon, Belleville, Dampierre ou Fessenheim. L’ASN mentionne notamment dans son courrier, concernant la comptabilisation des heures, « des lissages manifestes par omissions et reports, qui pourraient conduire les tribunaux à sanctionner ces faits du délit d’obstacle aux fonctions d’inspecteur du travail ».

Après un rappel des conséquences possibles de ces infractions sur la santé et vigilance des salariés, et donc sur la sûreté des installations, l’autorité de contrôle donne trois mois à EDF pour corriger le tir. Elle réclame notamment la mise en place d’un « dispositif fiable et infalsifiable de relevés d’horaires de travail » et le respect des « obligations réglementaires en matière de temps de travail et de repos ». Cette mise au point plutôt sévère sera-t-elle suivie d’effet ? La réponse appartient désormais à EDF.

Quelle sous-traitance ?

Il en est de même sur un autre sujet sensible, également soulevé par l’ASN : les conditions de recours à des entreprises sous-traitantes sur les sites nucléaires, notamment dans le cadre des opérations de maintenance. Suite à la catastrophe de Fukushima, des évaluations complémentaires de sûreté ont été demandées par l’autorité de contrôle à EDF et d’autres exploitants du nucléaire. Dans une note du 26 juin, l’ASN demande à EDF de mieux préciser ses motifs de recours à la sous-traitance, les dispositions prises pour maintenir les compétences internes nécessaires à la surveillance et l’accompagnement des sous-traitants, la place accordée au mieux-disant social dans la passation des marchés, les modalités de suivi de la formation des salariés extérieurs…

Cet intérêt porté aux conditions de travail des sous-traitants du nucléaire, l’autorité de contrôle le justifie par les possibles répercussions d’une sous-traitance au rabais sur la sûreté des installations. Mais il sonne comme une reconnaissance des alertes lancées à plusieurs reprises concernant le sort réservé à ces salariés, surexposés aux rayonnements ionisants et privés d’un statut protecteur qui leur permettrait de préserver à la fois leur emploi et leur santé.