Enseignant, un métier usant

par Martine Rossard / avril 2010

Selon une étude menée auprès d'enseignants, ces derniers terminent souvent leur carrière usés par des conditions de travail de plus en plus pénibles. A défaut de pouvoir y échapper, beaucoup finissent par partir à la retraite avant l'heure.

Les fins de carrière sont difficiles pour les enseignants. C'est ce que confirme une récente étude de Dominique Cau-Bareille, chercheuse au Centre d'études de l'emploi1 " Le métier devient de plus en plus exigeant, notamment du fait des réformes menées sans concertation ", explique cette ergonome, qui constate que certains enseignants se trouvent " en grande difficulté ". Cette étude, financée par le Conseil d'orientation des retraites (COR), a été lancée à l'instigation de la centrale syndicale FSU. " Nous avions constaté le départ de nombreux enseignants avant leurs 37,5 annuités de cotisation, témoigne Daniel Rallet, responsable FSU et ancien membre du COR. Et nous avons pensé que la question de la pénibilité en fin de carrière allait s'accentuer avec l'allongement de la durée de cotisation à 41 ans en 2012. "

D'où le souhait d'effectuer une recherche sur les fins de carrière à l'Education nationale. Une quarantaine d'entretiens approfondis ont ainsi été réalisés et confrontés à d'autres témoignages. Plusieurs enseignants interrogés estiment ne plus avoir les ressources pour exercer leur métier. Certains considèrent même être moins compétents en fin de carrière qu'au début. Souvent chahutés par les élèves et critiqués par les parents, les enseignants semblent souffrir d'un manque de soutien de la part de leurs collègues, des chefs d'établissement ou des inspecteurs.

L'insatisfaction ou le mal-être se doublent souvent d'une pénibilité physique " invisible ". Dans son étude, Dominique Cau-Bareille signale la fatigue physique et nerveuse des enseignants en maternelle, constamment sollicités par les enfants. Elle met aussi l'accent sur la diversité des matières à enseigner et la présence d'enfants en grande difficulté scolaire dans le primaire. Au collège, elle souligne l'épuisement professionnel et le stress ressentis par des enseignants confrontés à l'hétérogénéité des niveaux des élèves et à des comportements violents. Quant au travail d'enseignement en lycée, il se caractérise souvent par des classes chargées, des corrections chronophages et des horaires contraignants, voire des heures supplémentaires imposées.

Absence de suivi médical

Dans ce contexte, des enseignants aspirent à souffler ou à lever le pied. Mais les temps de formation s'avèrent rares, les congés de fin d'activité ont disparu et les cessations progressives d'activité sont devenues peu attractives. " Des enseignants tentent de négocier des aménagements d'horaires, des classes moins difficiles, des journées moins chargées... ", soupire Daniel Rallet.

Dominique Cau-Bareille pointe par ailleurs l'absence de suivi médical des enseignants. On compte ainsi un médecin de prévention pour 18 000 d'entre eux ! Aussi, certains n'ont jamais eu de visite médicale. Une carence déjà dénoncée dans une autre étude, menée récemment par le syndicat SE-Unsa2 . Sur l'ensemble de ces points, la FSU espère que l'accord signé en novembre dernier sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique permettra des améliorations. " Le document unique sur les risques professionnels doit être mis en place, de même que des référentiels sur les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux, tandis que les comités d'hygiène et de sécurité (CHS) vont devenir des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ", se réjouit Daniel Rallet. Ce syndicaliste attend également avec impatience l'ouverture prévue de négociations sur des secondes carrières susceptibles d'offrir des perspectives aux enseignants usés. Mais, précise-t-il, " ces secondes carrières doivent être anticipées et réfléchies avant même d'avoir 40 ans ".