© NATHANAËL MERGUI / MUTUALITÉ FRANÇAISE
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Etude la fonction publique hospitalière sous tension

par Isabelle Mahiou / janvier 2011

Une exploitation inédite de l'enquête Sumer1 2003 montre que les salariés des hôpitaux publics cumulent contraintes et pénibilités de tous ordres. Avec des risques non négligeables pour leur santé.

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    Pour " Surveillance médicale des risques ". Enquête pilotée par l'Inspection médicale du travail et la direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) au ministère du Travail.

Un travail stressant, des moyens humains insuffisants pour mener à bien ses tâches, des risques d'agression... Une exploitation récente de l'enquête Sumer de 2003, réalisée à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) central de la fonction publique hospitalière (FPH), apporte un éclairage édifiant sur les expositions aux risques professionnels dans ce secteur. Les résultats portent sur 3 524 salariés : près de 60 % sont des soignants (infirmiers, aides-soignants, paramédicaux), le reste se partage entre un tiers d'administratifs et deux tiers " autres " (agents de service, travailleurs sociaux, techniciens...).

Ces agents, très majoritairement des femmes, se distinguent de l'ensemble de la population interrogée dans le cadre de Sumer par un cumul de contraintes horaires et organisationnelles. La moitié des soignants ainsi qu'un tiers du personnel " autres " travaillent en équipe, contre 15 % pour la totalité des salariés de l'enquête. Et cela, selon des horaires qui varient d'un jour à l'autre pour 42 % des agents. Le travail de nuit, durant les week-ends et les jours fériés est aussi bien plus répandu dans la FPH, et crève les plafonds chez les soignants. Près d'un quart des agents n'ont pas 48 heures de repos consécutives au cours d'une semaine.

Plus que pour les autres salariés, le rythme de travail des agents de la fonction publique hospitalière dépend de celui de leurs collègues, de la demande extérieure, obligeant à une réponse immédiate pour les trois quarts des administratifs et des soignants (contre 55 % pour l'ensemble Sumer). Ils interrompent davantage la tâche en cours pour une autre non prévue et doivent se dépêcher pour faire leur travail (56 % des soignants, 54 % des administratifs). Une fragmentation et une urgence qui jouent au détriment de la relation avec les patients et les familles.

Manque de moyens

La spécificité de l'activité et l'obligation de service public des hôpitaux n'expliquent qu'en partie ces contraintes. Près de la moitié des agents (52 % des soignants) estiment ne pas avoir assez de collègues pour effectuer correctement leur travail, soit près de deux fois plus que dans la population Sumer. Même tendance pour les moyens matériels. Des résultats à rapprocher de l'exposition à un risque d'agression verbale ou physique de la part du public : les trois quarts des salariés de la FPH sont concernés par le premier type d'agression, la moitié par le second, soignants en tête. L'entourage professionnel peut être source de vécu difficile : un agent sur cinq s'estime en butte à des comportements hostiles, tels que mépris ou déni de reconnaissance du travail.

Enfin, plus que d'autres, les salariés de la fonction publique hospitalière travaillent souvent debout, se déplacent à pied, portent des charges... Ils sont exposés à des agents biologiques et des produits chimiques toxiques, surtout les soignants. Rien d'étonnant à ce que ces derniers jugent leur travail insatisfaisant, mauvais pour leur santé, particulièrement fatigant (46 %, contre 28 % pour la population Sumer) ou stressant (48 %, contre 35 %). Les mutations récentes de l'hôpital public sont peu susceptibles d'améliorer cette situation délétère, ni d'enrayer la désaffection des soignants, nombreux à jeter l'éponge avant l'âge1

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    Un tiers d'entre eux abandonneraient leur carrière en cours de route, selon l'enquête européenne Press-Next de 2003-2006.