Les expertises CHSCT visées par le Conseil constitutionnel

par Rozenn Le Saint / 08 décembre 2015

Le Conseil constitutionnel a sanctionné l’article du Code du travail sur l’expertise CHSCT dans la mesure où, en cas de recours judiciaire de l’employeur contre celle-ci, elle reste à sa charge même s’il obtient finalement gain de cause.

Le Conseil constitutionnel a semé le trouble chez les experts CHSCT et au ministère du Travail dans sa décision n° 2015-500 du 27 novembre. Il considère en effet que les droits constitutionnels des employeurs ne sont pas respectés dans la procédure de recours qu’ils peuvent engager devant le juge judiciaire pour contester une expertise décidée par un CHSCT. Cela concerne le financement de celle-ci.

Actuellement, dès lors que, conformément à l’article L. 4614-12 du Code du travail, le CHSCT a désigné un expert dans le cadre d’un risque grave ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou de travail, « les frais de l’expertise sont à la charge de l’employeur », indique l’article L. 4614-13. Ce dernier article prévoit que l’employeur peut toujours contester le bien-fondé de cette expertise ou ses modalités devant le juge judiciaire. Mais, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il était admis jusqu’à présent que si le tribunal de grande instance (TGI) le déboutait, l’expertise pouvait néanmoins démarrer, d’autant plus que le jugement du TGI était généralement « exécutoire de plein droit ». Il revenait donc à l’employeur d’en rémunérer le coût… même s’il obtenait finalement gain de cause en appel.

C’est ce cas de figure qu’a sanctionné le Conseil constitutionnel, suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par l’entreprise Foot Locker. La « combinaison de l’absence d’effet suspensif du recours de l’employeur et de l’absence de délai d’examen de ce recours » revient à priver l’employeur « de toute protection de son droit de propriété », ont estimé les magistrats.

Préserver « le droit des représentants du personnel à l’expertise »

Le ministère du Travail devra donc soumettre au Parlement une nouvelle version du premier alinéa et de la première phrase du second de l’article L. 4614-13 du Code du travail. Cette décision ne prendra effet qu’au 1er janvier 2017. Un délai qui a quelque peu rassuré le syndicat des experts agréés CHSCT (SEA-CHSCT) : « D’ici là, nous allons émettre des propositions et le législateur aura élaboré une formulation conforme au droit constitutionnel », assure Dominique Delanoë, représentant du syndicat. Des propositions qui préserveront « le droit des représentants du personnel à l’expertise, [permettront] aux experts CHSCT agréés d’exercer sereinement, et [clarifieront] les conditions de contestation par les employeurs des décisions prises par leur CHSCT », déclare le syndicat dans un communiqué.

AFFAIRE TEFAL : L’INSPECTRICE DU TRAVAIL CONDAMNÉE

Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, a été condamnée le 4 décembre pour « violation du secret professionnel et recel de courriels de l’entreprise Tefal » par le tribunal correctionnel d’Annecy. Un ancien salarié lanceur d’alerte a également été condamné dans la même affaire pour « détournement de courriels et accès frauduleux à un système informatique ». Tous deux écopent de 3 500 euros d’amende avec sursis et de 1 euro symbolique dû à chaque partie civile.

Cette condamnation sera inscrite au casier judiciaire, ce qui compromet la carrière de l’inspectrice du travail. « Il n’est pas possible de condamner une inspectrice du travail pour n’avoir fait que son travail. Il n’est pas possible de condamner un lanceur d’alerte pour avoir joué ce rôle essentiel d’aiguillon », s’indignent les syndicats du ministère du Travail, la CGT, la CNT, FO, la FSU, Solidaires, dans un communiqué commun.

Pressions

En 2013, l’inspectrice s’était penchée apparemment d’un peu trop près sur un accord 35 heures litigieux au sein de l’usine Tefal de Rumilly (Haute-Savoie) : son supérieur lui avait reproché de « mettre le feu dans cette grosse entreprise ». Quelques mois plus tard, un informaticien lui avait communiqué des échanges de mails internes à l’entreprise qui montraient que la direction du groupe électroménager avait fait pression sur son supérieur, pression qu’il avait lui-même répercutée. Dans un autre courriel, ce dernier remerciait la direction d’avoir accepté comme stagiaire un membre éloigné de sa famille…

En juillet 2014, le Conseil national de l’inspection du travail (Cnit) a rendu un avis sévère sur cette affaire, estimant que « tant l’entreprise que l’organisation patronale qu’elle a sollicitée ont cherché à obtenir de l’administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d’affectation de l’inspectrice et par là même la cessation de l’action de contrôle à l’égard de l’entreprise ». Le Cnit avait également regretté l’absence de condamnations de telles pratiques par le ministère du Travail.

A LIRE AILLEURS SUR LE WEB
  • – Sur le site de la Drees, une étude montre que le fait d'être en arrêt maladie de 60 jours et plus augmente le risque de se trouver l'année suivante au chômage ou en inactivité.

    – Le site de Solidaires propose une fiche outils sur les addictions au travail.