Faire bouger les lignes

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© Nathanaël Mergui-FNMF © Nathanaël Mergui-FNMF
François Desriaux Rédacteur en chef
/ juillet 2022

Le ton a parfois été un peu vif, agacé même, mais les échanges ont été plutôt constructifs. Le débat organisé au Conseil économique, social et environnemental entre les principaux dirigeants patronaux et syndicaux, à l’occasion des 30 ans de Santé & Travail, le 19 mai dernier, ont peut-être permis de faire bouger les lignes sur une question majeure : la pénibilité. Difficile de nier que le travail peut être pénible et rendre la fin de vie active compliquée ; que l’on a besoin de penser un travail soutenable tout au long du parcours professionnel et que cela doit se discuter dans les branches professionnelles et les entreprises.
Alors, certes, il reste des points de frictions. Et pas des moindres. Ainsi, le rétablissement des quatre facteurs de pénibilité écartés par le premier gouvernement d’Emmanuel Macron en 2017 lors de la création du compte personnel de prévention – port de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux produits chimiques – fait toujours office d’épouvantail pour le patronat. Néanmoins, lors du débat, chacun a bien convenu qu’il fallait remettre l’ouvrage sur le métier. Il faut d’urgence reprendre des discussions de branche, déjà pour partager le constat de l’existence de conditions de travail pénibles, puis pour définir des critères de mesure adaptés pour ces quatre facteurs de risque dans les métiers concernés. Et aussi, bien sûr, pour arrêter des mesures de prévention, en vue de réduire les risques, ou d’aménager des parcours professionnels moins délétères.
Toutefois, ceci ne peut se faire qu’à certaines conditions, énoncées par les dirigeants syndicaux. D’abord, ces discussions de branche doivent se faire à froid, c’est-à-dire être déconnectées de celles sur un nouveau recul de l’âge de la retraite… que les syndicats de salariés continuent de rejeter en bloc. Ensuite, ces négociations doivent être loyales et donc ne pas réitérer ce qui s’est déjà produit par le passé sur le même sujet : le patronat avait traîné des pieds dans la négociation des référentiels de branche, préférant miser sur l’abandon politique du compte personnel de prévention de la pénibilité.
On retiendra aussi la volonté commune des partenaires sociaux de mobiliser les réserves financières de l’Assurance maladie-Risques professionnels en faveur de la prévention, à l’image de ce qu’ont su faire les pays d’Europe du Nord. Il faudrait toutefois que l’Etat permette aux partenaires sociaux de reprendre la main sur la gestion de la branche, comme l’exige le patronat. On pourrait ajouter : à condition que cela ne se fasse pas au détriment de la réparation due aux victimes.
Reste à savoir maintenant si le président de la République est prêt à prendre en compte ces exigences et à laisser sa chance à la négociation collective sur la pénibilité et la prévention, ou si sa détermination à reculer l’âge de la retraite reste inébranlable. L’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale devrait précisément inciter Emmanuel Macron à mettre de l’eau dans son vin.