Faire vite, coûte que coûte ?

par
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Serge Volkoff statisticien et ergonome
/ juillet 2019

Le terrible incendie de Notre-Dame a suscité le lendemain même, on s'en souvient, une intervention du président de la République, d'où ressortait notamment cette annonce : une cathédrale rebâtie "d'ici à cinq années" - sans doute en perspective des jeux Olympiques parisiens de 2024. Au moment de cette annonce, les pompiers étaient encore sur place, l'enquête sur le déclenchement du feu était à peine amorcée, le bilan précis des dégâts et des réparations nécessaires devait prendre des mois (on parle de deux ans rien que pour tester les pierres une à une), les matériaux allaient être à choisir avec discernement et après des délibérations attentives. Le chef de l'Etat a toutefois cru indispensable - même s'il a fait quelque peu machine arrière par la suite - de fixer un délai, un délai très court compte tenu de l'ampleur de l'opération. Au risque... de provoquer bien des risques, tant pour les personnels appelés à intervenir que pour la qualité de la reconstruction.

Or, justement, comme on s'en doutait déjà alors et comme on commence à le savoir à présent, il est plausible que dans l'enchaînement des causes d'incendie, quand celui-ci sera établi, des formes d'intensité du travail soient impliquées. C'est le cas pour nombre d'accidents industriels ou dans les transports : une précaution négligée afin de gagner du temps, un échange d'informations qui n'a pas eu lieu, un effectif un peu trop juste, une suppléance de dernière minute, une formation écourtée, un spécialiste qu'on n'a pas consulté... La rapidité de réalisation du travail, édictée comme norme prioritaire, entraîne inévitablement des défaillances de ce genre. Fallait-il donc que le premier responsable politique du pays promeuve une nouvelle fois ce modèle de la hâte au travail, tellement nocif, plutôt que d'insister sur le soin, la prudence, la coopération, toutes ces vertus humaines avec lesquelles... on bâtit les cathédrales ?