Une fédération qui divise le milieu de l'expertise

par Eric Berger / avril 2011

La création d'une Fédération des intervenants en risques psychosociaux par des consultants spécialisés divise les cabinets d'expertise CHSCT. Certains craignent une confusion des rôles et une remise en cause de leurs règles d'agrément.

L'annonce a été faite en décembre, lors d'une réunion organisée par la direction générale du Travail (DGT). Celle-ci avait invité des professionnels opérant dans le champ des risques psychosociaux (RPS), afin de préciser les modalités et conditions de recours à un intervenant extérieur à l'entreprise. Six cabinets (IAPR, Stimulus, Artélie Conseil, Psya, Ifas et Capital Santé) ont alors notifié leur regroupement dans une Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps). " Face à l'explosion de la demande des entreprises, nous avons voulu structurer la profession en se référant à des repères déontologiques, comme cela existe dans d'autres métiers. Le label Firps sera un gage de qualité fourni par la profession ", explique Patrick Légeron, du cabinet Stimulus, vice-président de la Firps.

Les conditions d'adhésion définies alors sont taillées pour les grosses structures spécialisées dans la gestion du stress et des RPS : ces prestations doivent représenter 50 % du chiffre d'affaires pour un montant minimum de 300 000 euros. De là à y voir une tentative de prendre la main sur un secteur très porteur... Pour Jean-Louis Vayssière, du cabinet Syndex, la défense d'intérêts particuliers est un risque : " Il y a une tendance à appréhender les RPS comme un marchéNous sommes par ailleurs en désaccord avec certaines pratiques professionnelles en entreprise qui se concentrent sur une approche individuelle des tensions dans le travail. Se pose alors la question de la régulation des interventions touchant aux RPS. La Firps ne nous paraît pas nécessairement le cadre adapté à cette exigence. "

Nouveaux statuts. Cette initiative suscite d'autant plus d'inquiétude qu'elle s'inscrit dans un contexte particulier, où la DGT a proposé aux partenaires sociaux de revoir les règles d'agrément des cabinets d'experts intervenant pour le compte des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Consciente de ce contexte, la Firps a revu sa copie en février, avec de nouveaux statuts sans critères restrictifs. Elle a aussi sollicité Secafi et Technologia, deux cabinets d'expertise agréés CHSCT, qui ont accepté. " Nous ne souhaitions pas que s'instaure un clivage réducteur entre les structures travaillant à la demande des directions et les cabinets agréés, précise François Cochet, de Secafi. Maintenant, nous allons devoir expliciter les pratiques des uns et des autres pour atteindre un label de qualité. " " Ce remodelage ne change rien aux problèmes de fond suscités par cette organisation, estime Jean-Louis Vayssière. C'est à la DGT et aux organismes tels que l'Anact1 et l'INRS2 de veiller à la mise en oeuvre de bonnes pratiques en associant les partenaires sociaux, par exemple à travers les procédures d'agrément. " Les experts agréés CHSCT ne comptent pas en rester là. Certains, contactés par Santé & Travail, envisagent une initiative qui sera prochainement rendue publique.

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    Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail.

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    Institut national de recherche et de sécurité.