Fonction publique : inquiétudes syndicales sur le conseil médical

par Joëlle Maraschin / 22 décembre 2020

Pour les syndicats de la fonction publique, la fusion des instances médicales censées statuer sur les questions d’aptitude et la reconnaissance des atteintes professionnelles ne réglera pas les dysfonctionnements constatés. Elle risque même de les aggraver.

Publiée le 25 novembre dernier, l’ordonnance dite « santé famille » a acté le remplacement dans la fonction publique des commissions de réforme et des comités médicaux par une instance unique : le conseil médical. Que faisaient ces instances ? Les comités médicaux se prononçaient sur l’attribution ou la prolongation de congés longue durée pour les agents, ainsi que sur leur reclassement ou l’aménagement de leurs conditions de travail à la suite d’un arrêt maladie. Les commissions de réforme, instances consultatives paritaires composées de médecins agréés, de représentants du personnel et de l’administration, donnaient un avis sur l’imputabilité au service, donc au travail, d’accidents et pathologies. Elles étaient saisies lorsque l’administration ne reconnaissait pas d’emblée l’origine professionnelle d’une atteinte.
Le fonctionnement des commissions de réforme a souvent été décrié par les victimes ou leurs défenseurs. « Elles peuvent se réunir avec de nombreux représentants de l’administration, des chefs de service aux directeurs, afin d’imposer un rapport de force aux agents et à leurs représentants », témoigne Pascale Abdessamad, secrétaire de l’association ASD-Pro, qui accompagne des agents victimes de pathologies psychiques liées au travail. Une stratégie visant à invisibiliser l’origine professionnelle des atteintes. « Le lien entre la pathologie psychique et le travail est bien souvent évacué au profit d’éléments de la personnalité de l’agent », souligne la militante associative.

Un nouveau dispositif contesté

D’autres dysfonctionnements des deux instances ont aussi été relevés dans un rapport de l’administration de mars 2017 : délais trop longs, lourdeur des procédures, présence insuffisante des médecins de prévention, absence d’analyse susceptible d’alimenter la réflexion sur les conditions de travail… Ce rapport esquissait plusieurs pistes d’amélioration du dispositif, mais seul le scénario de la fusion des instances a été retenu, afin de pallier notamment la pénurie de médecins agréés. Un choix regretté par certains syndicats.
« Les deux instances permettaient de faire clairement la différence entre le médical et ce qui relève des liens entre santé et travail. Cette fusion va brouiller les genres », déplore Hervé Moreau, responsable syndical de la FSU. Un décret d’application est prévu, qui doit préciser la composition et le fonctionnement du futur conseil médical, mais la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique (DGAFP) a d’ores et déjà présenté aux organisations syndicales les grandes lignes du texte à venir. Et l’architecture proposée est loin de faire l’unanimité.
« Le diable se cache dans les détails », souligne Carole Chapelle de la CFDT, une organisation pourtant initialement favorable à la fusion des instances. Ainsi, dans le projet initial de la DGAFP, seul un représentant du personnel aura voix au conseil médical en formation plénière, contre deux auparavant dans les commissions de réforme. Des moyens amoindris pour la défense des droits des victimes, dénoncés par l’ensemble des organisations syndicales. La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, leur a assuré début octobre que deux élus du personnel pourraient siéger. La version finale du décret devrait donc intégrer ce point.
Autre point d’inquiétude, les règles de quorum. Dans le projet présenté, la CFDT relève que le conseil médical peut se tenir en formation plénière avec les médecins seulement. Une instance paritaire vidée de son sens, donc, où les liens entre santé et travail seraient instruits en l’absence d’élus du personnel connaissant l’activité concernée. Qui plus est, l’avis du conseil médical restera purement consultatif, l’administration pouvant s’en affranchir. « Nous aurions souhaité que ces avis soient contraignants et s’imposent aux employeurs », précise Sylvie Bocage-Lagarde, pour la CGT, qui ne saisit pas l’intérêt de la réforme : « Je ne vois aucune évolution favorable pour les agents, je ne pense même pas que cette réforme puisse désengorger le dispositif. »

Le secret médical menacé

Elle aussi dubitative, Annick Fayard, de l’UNSA, s’inquiète plus particulièrement d’une disposition de l’ordonnance autorisant la communication de données de santé des agents aux services administratifs. « Il s’agit d’une remise en cause grave du secret médical », déplore-t-elle. Le rapport de l’administration de mars 2017 s’était déjà alarmé de son non-respect au cours des procédures. « Le secret médical est opposé aux représentants du personnel alors que l’administration a connaissance de ces données », témoigne pour sa part Pascale Abdessamad,
Hervé Moreau souligne de son côté la difficulté des représentants du personnel à être entendus par les médecins agréés. « Certains médecins sont bienveillants mais beaucoup sont déconnectés de la réalité de notre travail », ajoute Carole Chapelle. Or, ils pourraient être parfois seuls à siéger. Si le fonctionnement des commissions de réforme ne satisfaisait personne, la capacité du conseil médical à mieux prendre en charge la question des atteintes professionnelles des fonctionnaires ne semble pas démontrée pour l’instant, si l'on en croit les syndicats.