Forfait sur le temps de travail

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Christian Torres médecin du travail
/ avril 2018

Le 26 février, les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire pour examiner la sixième ordonnance sur le Code du travail ont introduit une disposition qui permet d'imposer le forfait annuel en jours aux salariés, sans recueillir leur aval. Cette modalité d'organisation du temps de travail, mise en oeuvre par accord d'entreprise, repose sur un décompte du temps de travail en nombre de jours par an, avec une rémunération forfaitaire indépendante du nombre d'heures accomplies. Désormais, donc, un salarié ne pourra plus refuser ce régime sans s'exposer à un licenciement. Cette évolution n'est pas sans poser problème pour la santé. En effet, on sait d'après des études du ministère du Travail1 que, si ce mode d'organisation du temps de travail s'accompagne d'une augmentation salariale, il est également synonyme d'une durée d'activité hebdomadaire et annuelle plus longue. Or, sur un plan médical, ces longs horaires de travail sont connus pour être associés à un accroissement significatif des troubles du sommeil, des perturbations métaboliques (diabète), des maladies inflammatoires, des risques cardiovasculaires et des syndromes anxiodépressifs. Ces pathologies se constituent insidieusement et, une fois établies, continuent souvent d'évoluer pour leur propre compte. En tant que médecins du travail, nous observons régulièrement des améliorations spectaculaires de l'état de santé de salariés qui ont eu l'opportunité de revenir à des horaires plus conventionnels, après avoir pris conscience de l'effet délétère de leurs longues journées de travail. La possibilité qu'offrait jusqu'alors le Code du travail de refuser le passage au forfait jours pouvait ainsi protéger certains salariés. Du point de vue du maintien dans l'emploi des salariés vieillissants, qui devient une préoccupation majeure des pouvoirs publics, les parlementaires et le gouvernement se sont tiré une balle dans le pied.

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    Voir "Les salariés en forfait annuel en jours", par Claire Létroublon, Dares Analyses no 48, juillet 2015.