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Fumées de soudage : l’Anses veut plus de protection

par Nolwenn Weiler / 22 avril 2022

Dans un avis du 14 avril dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande aux pouvoirs publics d’adopter des mesures réglementaires de prévention et de réparation du risque cancérogène pour les salariés exposés aux fumées de soudage.

Ajouter les travaux exposant aux fumées de soudage à la liste des procédés cancérogènes établie par le Code du travail : c’est ce que préconise l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publié le 14 avril dernier. Ce serait une avancée pour près de 530 000 travailleurs, soit 2,1 % des salariés français. La métallurgie, la construction, l’installation et la réparation de machines et d’équipements, ou encore la réparation de véhicules sont autant de secteurs d’activité touchés par l’exposition à ces fumées classées cancérogènes en 2017 par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). « Les soudeurs et les chaudronniers, concernés en premier lieu, ne sont pas les seuls à être exposés à l’inhalation de ces fumées qui peuvent provoquer des cancers broncho-pulmonaires mais aussi du larynx, et dans une moindre mesure de la cavité buccale et du système sino-nasal », précise Dominique Brunet, cheffe de l’unité de l’évaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques à l’Anses. Ses experts ont en effet documenté l’exposition passive possible pour certains salariés travaillant à proximité de personnes effectuant des opérations de soudage1 .

La perspective d’un meilleur suivi médical

Forte de l’identification de ces nombreux risques, l’Agence recommande « d’inscrire l’ensemble des travaux exposant aux fumées de soudage ou aux fumées métalliques de procédés connexes à la liste des substances, mélanges ou procédés cancérogènes au sens du Code du travail ». « Si notre avis est pris en compte par le ministère du Travail, cela impliquera un suivi médical renforcé pour les salariés », souligne Dominique Brunet. Il est en effet préconisé de réaliser au moins une évaluation annuelle du risque de cancérogénicité pour les différents personnels impliqués afin de mettre en œuvre les moyens de prévention et de protection adéquats. Il s’agit aussi de former et sensibiliser les employeurs et les salariés sur le risque cancérogène lié à des expositions directe et indirecte aux fumées de soudage.
« Sans attendre que le gouvernement intègre les fumées de soudage à l’arrêté listant les procédés cancérogènes, employeurs, salariés et préventeurs peuvent se mettre au travail pour privilégier le captage à la source et développer des formations aux procédés les mois émissifs possibles », relève Dominique Brunet. « Comme pour la prévention chimique, le plus efficace, c’est le captage à la source et la ventilation générale, précise Sylvain Métropolyt, représentant de la CFDT au sein de la commission spécialisée n° 2 (CS2) du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), dédiée au risque chimique. Ensuite, il faut avoir des appareils de protection respiratoire individuelles. Il y a du matériel disponible. Et des aides peuvent être débloquées pour les employeurs qui décident de s’équiper. » Des efforts pourraient également être faits du côté de l’organisation du travail, de façon à isoler les activités de soudure au sein des ateliers, et ainsi mettre à l’abri les travaux connexes.

Favoriser la reconnaissance en maladie professionnelle

Ces diverses mesures sont d’autant plus urgentes que « les fumées ne sont pas les seules sources de risques pour les salariés qui font du soudage, complète Dominique Brunet. S’y ajoutent les rayonnements UV, déjà reconnus comme cancérogènes certains par le Circ. Il faut également le prendre en compte. » Selon l’experte, une modification du Code du travail faciliterait aussi les demandes de réparation. L’avis de l’Anses a recensé 132 demandes de reconnaissance en maladies professionnelles entre 2010 et 2020 effectuées par des personnes atteintes de cancers et ayant été exposées aux fumées de soudage. Un tiers seulement a obtenu gain de cause.
« Nous allons nous mettre au travail pour que le gouvernement se mobilise au niveau national, afin d’intégrer les fumées de soudage au Code du travail, annonce Sylvain Métropolyt. Mais nous allons également insister pour qu’il se mobilise au niveau européen, pour modifier la directive cancérogène. » Etant actuellement à la tête de l’Union européenne, la France pourrait impulser un changement de la directive CMR2 (voir encadré), pour y inclure les fumées de soudage. Ces divers points seront inscrits par les syndicats à la prochaine réunion de la CS2 qui doit se tenir fin juin. Contactée par Santé & Travail pour savoir quelle suite elle comptait donner à ce nouvel avis de l’Anses, la direction générale du Travail est restée muette.

La directive « cancérogènes » s’enrichit des reprotoxiques
Nolwenn Weiler

Cela faisait des mois que les syndicats européens bataillaient pour que les substances toxiques pour la reproduction (ou reprotoxiques) soient intégrées à la directive encadrant l’usage professionnel des produits cancérogènes et mutagènes. Les eurodéputés s’étaient ralliés à leur position en avril 2021 mais la Commission et le Conseil de l’Europe restaient jusqu’alors silencieux. Ils ont finalement donné leur accord en mars dernier pour que la directive1 soit modifiée. « Cela permet d’étendre à l’ensemble des pays européens le droit qui valait déjà dans divers pays, dont la France, qui avaient déjà introduit les reprotoxiques dans leur législation, se réjouit Tony Musu, expert à l’Institut syndical européen (Etui). Les travailleurs seront mieux protégés car les employeurs seront tenus de renforcer les règles de prévention. On peut espérer voir moins de cancers hormono-dépendants se déclencher, car nombre de reprotoxiques sont également des perturbateurs endocriniens. »
L’évaluation des risques et les moyens de prévention devront être consolidés ; l’information, la formation et le contrôle de l'exposition des travailleurs devront être améliorés. La reconnaissance des maladies professionnelles devrait être facilitée. Autre avancée notable : l’intégration dans cette directive européenne des médicaments dangereux. Cela concerne notamment les produits cytotoxiques, utilisés pour soigner les cancers et qui s’avèrent être eux-mêmes cancérigènes (et reprotoxiques). 91 900 salariés y sont exposés chaque année en France.

  • 1Directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail.
  • 1Les experts de l’Anses ont par ailleurs documenté un risque cancérogène pour divers procédés connexes au soudage tels que le brasage fort, le gougeage, l’oxycoupage, la projection thermique ou le rechargement, qui émettent des fumées dont la composition est similaire à celles issues des procédés de soudage.
  • 2Directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail.