La Haute Autorité de santé s'intéresse au travail

par Eric Berger / janvier 2012

Dans le cadre de la certification des hôpitaux, la Haute Autorité de santé souhaite prendre en compte les conditions de travail des personnels. Entretien avec Véronique Ghadi, chef de projet au service développement de la HAS.

Pourquoi la Haute Autorité de santé (HAS) a-t-elle décidé d'intégrer le sujet de la qualité de vie au travail dans la certification de la qualité des soins ?

Véronique Ghadi : Dans une enquête menée en 2007 auprès des professionnels hospitaliers, la HAS les a interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de la certification. Sur la question des conditions de travail, le différentiel entre les attentes des professionnels et leur perception de ce que la certification produisait était le plus important. Par ailleurs, la HAS a réalisé des entretiens sur le thème de la maltraitance ordinaire, en interrogeant aussi des patients des établissements de santé. Les résultats ont confirmé ce que certaines études internationales ont démontré, à savoir qu'il existe un lien étroit entre la qualité des soins et la qualité de vie au travail. Les professionnels, confrontés à des difficultés répétées et quotidiennes, peuvent difficilement empêcher l'apparition de comportements maltraitants. De plus, ces attitudes deviennent une cause de souffrance pour eux-mêmes. A la suite de cette enquête, la HAS a décidé d'intégrer dans le manuel de certification, remis aux établissements, un critère sur la qualité de vie au travail.

Comment la HAS a-t-elle procédé ?

V. G. : Pour assurer la prise en charge de la thématique " qualité de vie au travail ", la HAS a choisi de démarrer par l'organisation d'un séminaire fermé, avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), afin de mieux saisir les enjeux de qualité de soins liés à la vie au travail. A cette occasion, la HAS a acquis la conviction de la nécessité d'aller plus loin dans la démarche en engageant une réflexion collective. Outre la construction d'outils avec et pour les experts-visiteurs, l'élaboration d'un dispositif à destination des établissements de santé est menée en parallèle. Il apparaît aujourd'hui qu'un des enjeux est de développer dans les établissements des espaces de discussion et de confrontation autour du travail permettant d'améliorer l'organisation du travail et, par voie de conséquence, la qualité de vie au travail. Un groupe réunissant la HAS, l'Anact et les organisations syndicales se réunit depuis septembre dernier pour travailler sur ce dernier enjeu. L'approche de la HAS est de progresser avec l'ensemble des acteurs des établissements de santé. Cette réflexion sur la qualité de vie au travail invite également la Haute Autorité à faire évoluer la certification dans sa capacité à appréhender les organisations réelles et à ne pas se cantonner à l'évaluation d'organisations qualité formelles, souvent perçues comme une contrainte supplémentaire par les personnels des établissements, et qui pourraient dans certains cas accroître les situations de souffrance.

Cette démarche peut-elle s'appliquer à d'autres secteurs ?

V. G. : Le groupe de travail devrait achever ses travaux à la fin du premier semestre 2012. Ces travaux pourraient trouver du sens auprès d'autres organisations en santé : les cabinets de médecine libérale, les centres de santé... Les médecins, parfois isolés dans leur pratique professionnelle, peuvent être confrontés à des difficultés. Il est préalablement nécessaire de poursuivre les travaux engagés et d'en tirer les premiers enseignements.