Hervé Garnier : "Le travail reste un moyen d'épanouissement"

entretien avec Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT
par Isabelle Mahiou / janvier 2017

La CFDT a lancé en septembre une enquête interactive de grande ampleur : "Parlons travail". Son secrétaire national en charge de la santé et des conditions de travail nous explique pourquoi et avec quelles attentes.

Qu'est-ce qui a motivé la réalisation de l'enquête CFDT "Parlons travail" (voir "Repère") ?

Hervé Garnier : La première motivation, c'est que, dans la suite des réflexions sur la QVT [qualité de vie au travail], les remontées des équipes syndicales ont révélé une attente forte des salariés sur la question du travail. La seconde motivation est que cette question est justement le parent pauvre du débat public, focalisé sur l'emploi et les 35 heures. Dans la perspective de la présidentielle, il nous a semblé important de la mettre en avant en donnant la parole aux gens sur leur travail réel. D'autant plus que, entre l'explosion du numérique, le nécessaire tournant écologique et les méthodes managériales à bout de souffle, nous vivons une période de transformation très importante. Or le travail reste un lien fort dans une société qui n'est pas en bonne santé.

Repère

L'enquête "Parlons travail", menée par la CFDT en partenariat avec Libération et Viadeo, couvre tous les aspects du travail à travers 25 thèmes et 172 questions. Lancée le 20 septembre sur le site dédié www.parlonstravail.fr et permettant aux répondants de disposer des statistiques en temps réel, elle a été ouverte à l'ensemble de la population active jusqu'au 31 décembre.

Quels sont vos premiers constats ?

H. G. : La notoriété de l'enquête a dépassé le cadre de la CFDT : à la mi-novembre, nous avions atteint les 140 000 réponses, la moitié émanant de non-adhérents et 43 % de non-syndiqués. La "bonne nouvelle", c'est que les gens n'ont pas une vision catastrophique de leur travail. Celui-ci reste un moyen d'épanouissement. Deux tiers déclarent y trouver du plaisir, et davantage encore "rigoler" dans cet environnement. En même temps, plus d'un tiers des répondants disent mal dormir à cause du travail, et autant avoir vécu un burn-out, ou encore avoir subi du harcèlement moral. Ils sont globalement très critiques à l'égard de la hiérarchie, estimant largement qu'ils pourraient s'en passer. On retrouve aussi des aspects contradictoires, dans le prolongement des baromètres QVT des dernières années. Ainsi, le vécu très majoritairement positif du travail n'empêche pas l'expression répandue d'un manque de reconnaissance.

Comment allez-vous prioriser les résultats en vue du débat public ?

H. G. : Il y a une masse d'informations considérable à traiter, tâche à laquelle s'attellent les chercheurs associés à l'enquête, pour une restitution en février. La CFDT va s'appuyer sur ces résultats pour interpeller les candidats à la présidentielle et leur demander comment ils comptent répondre aux attentes des salariés. Nous allons publier des chiffres nationaux, mais aussi par territoires, et organiser des retours, afin de créer une dynamique.

Quels objectifs visez-vous en matière d'action syndicale ?

H. G. : Nous sommes à un an et demi de notre prochain congrès confédéral... Il nous faut regarder aussi en quoi ces résultats nous interrogent et peuvent alimenter notre réflexion interne et la construction de notre action revendicative. Nous espérons y trouver des arguments pour avancer, par exemple, sur la question du numérique - qui favorise à la fois l'autonomie et le contrôle des salariés -, sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, sur le télétravail, sur les fins de carrière. Tout un champ de questions sur lesquelles nous devons à présent penser autrement.

Espérez-vous des retombées en termes de syndicalisation ?

H. G. : Donner la parole aux travailleurs contribue à nous faire connaître sur une démarche qui correspond à leurs attentes. Dans un contexte où la vision des syndicats n'est pas positive, ils expriment une demande d'un syndicalisme de proximité et qui se préoccupe des difficultés quotidiennes du travail. L'évolution de la représentativité nous oblige à reposer la question de notre relation avec les salariés. Sans se renier.