© Juliette de Montvallon

Retrouver du sens au travail

par Stéphane Vincent / janvier 2022

« C’est pas du travail ! » Cette expression résume bien le désarroi de nombreux travailleurs face à leur activité professionnelle. Elle induit aussi l’idée que le travail ne peut s’envisager sans une exigence de qualité, qui lui donnerait tout son sens. Ce sens, sa perte ou son besoin font l’objet aujourd’hui, avec la crise du Covid, d’un débat de société. Encore faut-il déterminer ce qui se cache derrière. Le rapport au travail, ce que l’individu y investit, renvoie à l’histoire de chacun. Il est ainsi impossible de définir un « sens unique » du travail. En revanche, le besoin de se reconnaître dans ce que l’on fait est partagé par tous et toutes et constitue un enjeu de santé. De même, la richesse du travail, ce qui lui permet de faire société, tient à la possibilité pour les personnes de coopérer, de confronter et partager leurs expériences. Or le travail n’est pas organisé selon ces impératifs. Il est maltraité. Les conflits liés à l’activité ne sont pas discutés. Tout ceci génère des souffrances que les préventeurs doivent pouvoir décrypter, en aidant les travailleurs à mettre des mots sur leurs maux. Un rôle d’appui menacé par la mise en œuvre de méthodes standardisées, qui éloignent de la scène du travail. Pour certains, la solution passe alors par le désengagement ou la colère. Pour d’autres, le salut peut résider dans un changement de vie, à l’image des néo-paysans, génération spontanée d’agriculteurs en quête d’une activité qui a du sens.

© AdobeStock
© AdobeStock

« Il n’y a pas d’éthique féminine au travail »

entretien avec Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale
par Nolwenn Weiler / janvier 2022

Pour Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale, les femmes développent une éthique propre au travail qu’elles effectuent mais pas à leur genre. En revanche, ce dernier détermine encore la non-reconnaissance sociale des tâches qu’elles accomplissent.

Le travail du care, auquel vous vous intéressez, est effectué par une écrasante majorité de femmes, qui développent de grandes compétences en matière d’attention portée aux autres. Peut-on parler, à propos de tous ces métiers, d’une éthique féminine du travail ?
Pascale Molinier : Pas du tout. Car cette éthique, réelle, a été acquise, et sa féminisation est purement circonstancielle. Dans nos sociétés patriarcales, il y a une division sexuée du travail qui commence dès l’enfance. Les filles, puis les femmes, sont socialisées en réalisant toute une série de tâches qui prennent en compte l’attention aux autres. Les habiletés acquises dans le travail du care ont une forte orientation éthique, vers le souci d’autrui. Mais on parle bien de savoir-faire incorporés, d’une éthique qui se construit à travers l’expérience.
C’est pourquoi il n’y a, à mon sens, pas d’éthique féminine au travail. Je parlerais plutôt d’éthique différenciée, voire féminisée, mais pas « féminine ». Si l’on dit cela, les filles vont continuer à croire qu’elles sont faites pour ces métiers du soin tandis que les garçons ne le seraient pas. Et on va continuer à mal payer ces travaux si nécessaires car ils resteront...

Nous sommes heureux que vous aimiez nos contenus.
Vous ne possédez pas d'abonnement à Santé & Travail.

Abonnez-vous pour accéder aux contenus numériques.

Découvrez nos offres à destination des étudiants et des institutions.

Abonné-e : Connectez-vous