Incontournables

par
© Nathanaël Mergui-FNMF © Nathanaël Mergui-FNMF
François Desriaux, rédacteur en chef
/ avril 2023


Avril 1991, Santé & Travail voit le jour, avec un premier numéro consacré au mal de dos d’origine professionnelle. C’est le début d’une longue aventure. Avril 2023, nous publions le n° 122. Le dernier à être imprimé. Désormais, le magazine va poursuivre sa route exclusivement sur son site internet www.sante-et-travail.fr. Que nos lecteurs se rassurent : le contenu de la revue papier – le dossier, les rubriques, les enquêtes – ne disparaît pas. L’information continue d’être produite, mais sans impression. Une page se tourne, mais l’histoire continue. Entre-temps, Santé & Travail est devenu une référence pour de nombreux acteurs de la prévention, professionnels ou élus du personnel.
Il y a trente-deux ans, la santé et les conditions de travail étaient relativement absentes du débat public et, lorsqu’il était question de prévention, seuls émergeaient les facteurs de risques individuels et comportementaux, la consommation de tabac ou d’alcool, l’alimentation, les maladies sexuellement transmissibles. Les rares fois où le travail faisait la une, c’était à propos du chômage et des conflits sociaux. Aujourd’hui, le sujet de la santé au travail est devenu incontournable. Son importance n’a fait que croître au fil des années.
C’est d’ailleurs parce qu’ils n’ont pas pris la mesure de cette évolution que le président de la République, son gouvernement et sa majorité se retrouvent empêtrés aujourd’hui dans la réforme des retraites. La question du travail a été centrale dans le refus des salariés, comme des agents des trois fonctions publiques, de rester en activité deux ans de plus. A l’heure où nous écrivons ces lignes, elle est aussi la seule à pouvoir permettre une sortie de crise. En réaffirmant dans les sondages, comme dans la rue, leur opposition au recul de l’âge de départ, nos concitoyens ont surtout exprimé un refus de sacrifier leurs deux meilleures années de retraite pour un travail dont ils ne veulent plus : trop pressé, trop vide de sens, trop pénible. Sans parler de la crainte exprimée par nombre d’entre eux de ne plus avoir les ressources de santé pour tenir face aux contraintes de l’activité. Il aurait fallu d’abord résoudre l’équation d’un travail soutenable tout au long de la vie professionnelle avant de proposer de travailler plus longtemps.
A ce stade du conflit, il semble difficile de refaire le match. Le mal est fait. « Il est plus facile de faire sortir le dentifrice du tube que de l’y faire rentrer », comme le disait Pierre Dac. Il reste au locataire de l’Elysée l’option de répondre à la proposition de la CFDT d’ouvrir un grand chantier sur le travail. Cela nécessiterait de remettre en jeu la réforme des retraites, mais aussi la prévention et la compensation de la pénibilité, comme l’ont demandé les organisations syndicales. Cela reviendrait aussi à acter que rien ne peut se faire intelligemment sans dialogue social. Un dialogue social que les ordonnances Macron ont largement abîmé. Chiche ?