Inspection du travail : fusion des corps et désaccords

par Joëlle Maraschin / avril 2009

L'intégration récente des corps de contrôle des transports et de l'agriculture au sein de l'Inspection du travail suscite chez les agents plus de craintes que d'espoirs sur leurs conditions de travail. Un mauvais procès, selon le ministère du Travail.

La fusion depuis le 1er janvier des corps d'inspection du travail, des transports et de l'agriculture fait débat. Cette unification sous l'égide du ministère du Travail était demandée depuis le début des années 1990 par des syndicats et associations d'inspecteurs du travail, dans le but de limiter l'influence du lobby agricole et des grandes entreprises de transports sur leurs corps d'inspection respectifs. "Nous souhaitions un service unique de l'Inspection du travail reposant sur un seul et même Code du travail", rappelle Sylvie Denoyer, secrétaire de l'Unas-CGT, syndicat majoritaire chez les inspecteurs du travail. Or, pour ces organisations professionnelles, la fusion telle qu'elle se met en place risque au contraire d'entraîner un affaiblissement du contrôle.

 

Diminution du nombre de postes

 

Elles estiment notamment que la fusion se traduit par une diminution du nombre global de postes. Ainsi, les postes vacants des inspections de l'agriculture et des transports n'ont pas été transférés au ministère du Travail. La charge de travail va s'en trouver augmentée, alors que les effectifs sont déjà insuffisants pour répondre aux besoins des salariés. Les agents de l'agriculture et des transports sont également transférés dans les bureaux actuels de l'Inspection du travail, au risque d'une surpopulation. Enfin, les fonctions dites "supports", comme l'accueil, le secrétariat ou la documentation, sont mutualisées.

"Cette fusion ressemble furieusement à un plan d'économies comme on en voit tous les jours dans les entreprises", observe l'association d'inspecteurs du travail L. 611-10. Les syndicats demandent de leur côté à la direction générale du Travail le chiffrage des postes qui disparaissent. En effet, le plan de modernisation et de développement de l'Inspection du travail (PMDIT) mis en place par Gérard Larcher en 2006 prévoyait la création de 700 postes d'agents de contrôle d'ici 20101 "Le PMDIT 2009 consiste à ne créer budgétairement aucun poste supplémentaire et à jongler avec les effectifs disponibles, qui s'affichent d'ailleurs en diminution constante", déplore le syndicat Sud Travail.

Les organisations professionnelles estiment aussi que la fusion actuelle, au lieu de donner naissance à l'inspection généraliste qu'elles demandaient, va accentuer le cloisonnement des services. Dans la plupart des départements, des sections agricoles ont été créées. Et les grandes entreprises de transports - SNCF, Aéroports de Paris et RATP - ont droit à un inspecteur dédié. Les syndicats craignent que les agents de contrôle soient bientôt amenés à se spécialiser dans le contrôle d'un portefeuille d'entreprises, ce qui remettrait en question l'indépendance de l'Inspection. "Il est toujours plus facile pour les employeurs de faire pression sur une personne qui s'occupe d'un seul secteur plutôt que sur une équipe d'une dizaine d'inspecteurs", explique l'association L. 611-10.

 

"Affaire montée en épingle"

 

Du côté de la direction générale du Travail (DGT), on ne comprend pas cette levée de boucliers. "L'affaire est montée en épingle, alors que les choses ne sont pas encore calées", estime Jean Bessière, directeur général adjoint du Travail. Celui-ci fait notamment valoir les près de 400 postes créés en 2007 et 2008 et les 160 nouveaux prévus en 2009. La DGT se défend également de vouloir accroître la spécialisation des agents. "Les sections agricoles pourront, par exemple, s'ouvrir à d'autres secteurs", souligne Jean Bessière. Mais il parle aussi de "privilégier les savoir-faire". Un discours qui inquiète les inspecteurs du travail...

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    Lire "Inspection du travail : plan de modernisation ou reprise en main politique ?", Santé & Travail n° 57, janvier 2007, page 52.