Manuela Frésil : "L'abattoir occupe toute leur vie"

entretien avec Manuela Frésil, réalisatrice
par Frédéric Lavignette / juillet 2013

Sorti le 1er mai, son documentaire Entrée du personnel dénonce la souffrance des salariés des abattoirs, soumis à des cadences "plus infernales qu'ailleurs". Une violence faite aux hommes, occultée, dit-elle, par celle faite aux bêtes.

Pourquoi le thème des abattoirs et quelle a été la genèse du film ?

Manuela Frésil : Au début des années 2000, j'ai entamé un cycle de films sur la vie à la campagne. Partie d'un documentaire sur le travail des ouvriers à la campagne, j'en suis venue à en réaliser un autre sur les éleveurs de porcs, où j'ai soulevé la question de leur rapport aux bêtes. J'ai souhaité par la suite décliner cette même idée auprès des salariés des abattoirs. Ceux que j'ai rencontrés ont vite déplacé la question des animaux sur leurs propres douleurs physiques, celles du dos, des articulations, des muscles, etc.

Pendant le tournage, un ouvrier m'a dit, geste à l'appui, avoir mal à l'articulation de l'épaule à force de couper la jointure des ailes des dindes qui défilaient à la chaîne devant lui. Comme si, par porosité, il devenait malade de là où il coupait les bêtes. C'est de ce genre d'énigme que je suis partie pour m'apercevoir que les cadences dans ce secteur étaient plus infernales qu'ailleurs. J'ai des hypothèses, néanmoins c'est davantage aux ergonomes, aux syndicalistes, aux psychologues du travail, aux économistes, aux anthropologues ou aux philosophes de fournir des explications. Dans...

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