" L'arrêt maladie, un outil primordial "

par Martine Rossard / octobre 2009

La chasse à l'arrêt maladie bat son plein ! Cette prescription est pourtant indispensable pour préserver les salariés des effets délétères du travail, soutient Marie Kayser, secrétaire générale du Syndicat de la médecine générale (SMG).

Eric Woerth, le ministre du Budget, a récemment proposé un contrôle renforcé des arrêts maladie. Qu'en pensez-vous ?

Marie Kayser : En évoquant en juin le déficit de la Sécurité sociale, Eric Woerth a concentré ses attaques sur les arrêts maladie. Cela fait partie d'une campagne de culpabilisation des médecins et des patients. Depuis 2004, la baisse du nombre d'indemnités journalières est un des items conditionnant les augmentations tarifaires des généralistes. Les médecins et les futurs médecins sont formatés à prescrire l'arrêt de travail le plus court possible, sans tenir suffisamment compte des métiers exercés. Actuellement, dix caisses primaires peuvent se baser sur les rapports des médecins privés, choisis et rémunérés par l'employeur, pour suspendre les indemnités journalières en cas d'arrêt maladie jugé injustifié. Cette pratique va être étendue à toutes les caisses qui, jusqu'à présent, fondaient leurs décisions sur les rapports de leurs propres médecins-conseils. Mais on devrait s'interroger sur l'augmentation du nombre et de la longueur des arrêts de travail.

Comment expliquez-vous cette augmentation ?

M. K. : D'après le rapport sur les comptes de la Sécurité sociale pour 2008, ce sont les arrêts maladie de plus de 45 jours qui contribuent pour l'essentiel à l'augmentation du poste des indemnités journalières. Et, selon une étude de 2004 menée par la Caisse nationale d'assurance maladie, la longueur des arrêts croît avec l'âge des salariés et dépend du métier et des conditions de travail. Au niveau d'une clientèle individuelle, il est difficile d'évaluer la situation. On constate cependant, dans les cabinets des généralistes, l'aggravation des effets délétères du travail : les troubles musculo-squelettiques sont de plus en plus nombreux, de même que les cas de souffrance au travail.

Dans quelle mesure l'arrêt maladie peut-il jouer un rôle thérapeutique ?

M. K. : L'arrêt de travail est un outil primordial pour protéger la santé physique mais aussi psychique d'un salarié. Quand un patient a des troubles du sommeil ou anxiodépressifs ou des plaintes somatiques inexpliquées, il faut savoir l'interroger sur ses conditions de travail et l'arrêter si nécessaire sans attendre une décompensation. Le généraliste propose au patient de prendre rendez-vous avec le médecin du travail et, avec son accord, peut même contacter ce dernier directement. Le médecin du travail verra si des changements sont possibles : modification de l'organisation du travail, aménagement de poste... Le patient peut être dirigé vers un psychiatre ou, quand ils existent, vers les spécialistes des pathologies professionnelles et les consultations de souffrance au travail. Le salarié a aussi la possibilité d'alerter directement les représentants du personnel. En l'absence d'avancée possible, le médecin du travail envisagera dans certains cas de mettre le salarié en inaptitude, ce qui peut conduire à son licenciement.

Et les déclarations en maladie professionnelle ?

M. K. : Si le patient présente une pathologie en rapport avec le travail, je lui suggère de faire une déclaration. Une telle démarche s'avère utile sur le plan personnel et collectif. Pour les atteintes à la santé mentale pour raison professionnelle, j'inscris sur l'arrêt maladie la relation entre la souffrance et le travail.

Reste que les médecins sont généralement peu formés aux pathologies liées au travail, même si la formation initiale et continue tend à s'améliorer en ce domaine. Quant aux patients, certains hésitent à faire une déclaration, par crainte ou sous la pression de leur employeur. Ce qui explique la sous-déclaration des maladies professionnelles.

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à lire

  • La revue médicale Pratiques, à laquelle collabore Marie Kayser, consacre le dossier de son prochain numéro à " La violence faite au travail " (n° 47, à paraître fin octobre).