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Libérer la parole sur le travail

par François Desriaux / avril 2014

Et maintenant ? Quatre ans après notre appel dans Le Monde et notre une de janvier 2010 sur le thème "Reprendre la parole sur le travail", une majorité des acteurs de la santé au travail est convaincue que c'est effectivement une piste pour prévenir (enfin) les risques organisationnels. C'est d'ailleurs une des dispositions novatrices de l'accord national sur la qualité de vie au travail de juin dernier. Sauf que ce n'est pas si simple. Il ne suffit pas de dégager du temps, de réunir les salariés et de leur garantir la liberté d'expression pour que ce soit efficace. Parler du travail, ou plus exactement de son activité, ne va pas de soi. D'abord, parce que les êtres humains ont beaucoup plus conscience des obstacles que des dimensions positives de leurs actions, lesquelles restent impensées. Ensuite, parce que dans une réunion formelle, la tendance naturelle sera de ne tenir que des propos qui peuvent être entendus par tous. Ne serait-ce que pour préserver ses propres marges de manoeuvre vis-à-vis du travail. Résultat, les échanges se cantonneront aux moyens insuffisants, au chef qui "met la pression", au manque de reconnaissance... Et pourtant, si personne n'a spontanément les mots pour dire les subtilités de son travail, l'intérêt général commande d'explorer cette nouvelle voie, de chercher à enrichir sans la travestir la parole des salariés sur leur travail. Pour qu'elle soit mieux prise en compte par les travailleurs eux-mêmes et par les concepteurs.

Libérer la parole sur le travail : ce qu'il faut retenir de ce dossier

avril 2014

Un enjeu social et de santé

  • Le renforcement des capacités d'expression des salariés sur le travail apparaît aujourd'hui comme un enjeu de prévention, notamment vis-à-vis des risques psychosociaux.
  • Cela s'explique en grande partie par les mutations subies par le travail ces dernières années. Celui-ci est désormais caractérisé par un isolement plus grand des salariés, du fait de son intensification, et par la généralisation d'une position de service qui oblige à tenir compte à la fois des besoins exprimés par les clients ou usagers et des objectifs imposés par l'entreprise. Or ces deux impératifs sont en tension permanente. Du fait de la prédominance des enjeux financiers, les entreprises tendent à standardiser les réponses apportées aux clients, à réduire les délais... au risque de dégrader la qualité du service rendu ou de la production. C'est autour de ce conflit sur la qualité du travail, géré par les salariés avec leurs seules ressources individuelles et sans le soutien d'une hiérarchie accaparée par les indicateurs de gestion, que se nouent les risques psychosociaux. L'encadrement lui-même souffre de cette situation, qui le prive de marges de manoeuvre et réduit le...

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