" Limiter l'impact sanitaire des restructurations "

par Elsa Fayner / avril 2011

Claude-Emmanuel Triomphe, directeur de l'Association travail, emploi, Europe, société (Astrees)1 , vient de coordonner la réalisation d'un code de conduite européen sur les restructurations intégrant la question de leurs effets sur la santé.

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    Groupe de réflexion et d'intervention sur les mutations du travail et de l'emploi en Europe.

Pourquoi un code de conduite en matière de restructurations ?

Claude-Emmanuel Triomphe : La Commission européenne y réfléchissait, mais elle a finalement décidé, en juin 2008, de ne rien faire. Alors que la crise démarrait. Au moment où l'Europe allait affronter une vague de restructurations comme elle en avait rarement connu ces dernières années, ce vide ne pouvait être justifié. Notre réseau Irene1 , qui travaille depuis une dizaine d'années sur les restructurations et voulait définir des principes universellement applicables pour une gestion socialement responsable de ces dernières, a proposé à la Commission de reprendre ce chantier, qu'elle a accepté de cofinancer.

Quelles sont les propositions qui ont été retenues ?

C.-E. T. : Nous avons retenu sept principes : préparer un futur durable ; promouvoir un dialogue social efficace, élargi et innovant en matière de restructurations ; prendre en compte les territoires et faciliter un dialogue multi-acteurs ; assurer des transitions professionnelles justes et solides pour tous ; mettre en oeuvre une gestion financière responsable des restructurations ; apprendre de l'expérience. Enfin, le dernier principe, qui arrive en cinquième position dans la liste, porte spécifiquement sur la santé.

Que dit ce principe ?

C.-E. T. : Nous demandons que la santé des personnes soit prise en considération dans les restructurations. Il faut arrêter de ne penser les restructurations qu'en termes d'emplois pour les penser en termes de devenir des personnes, la santé étant l'un des aspects de ce devenir. Nous proposons également de multiplier les études d'impact. Lors d'un processus de restructuration, il s'agit de vérifier si celui-ci peut avoir un effet sur la santé des personnes qui sont amenées à quitter l'organisation, de celles qui restent, voire de leur famille. Et de voir comment on peut minimiser les risques, conduire des processus peu ou pas dommageables pour la santé.

Nous avons aussi une troisième recommandation un peu provocatrice : s'il y a des affections de l'état de santé des salariés à la suite d'une restructuration, il faut les reconnaître comme des maladies professionnelles. Notre idée, ici, est de dire que les impacts sanitaires des restructurations ont un coût, qu'il doit être internalisé et qu'il faut mettre en place une démarche de prévention.

Ces recommandations ont-elles été testées ?

C.-E. T. : Nous avons soumis ce code lors de séminaires nationaux aux partenaires sociaux, à des représentants des collectivités publiques, à des consultants. Et tout le monde a remarqué la proposition sur la santé. Elle a même fait événement dans certains pays comme la Pologne, où l'idée est vraiment nouvelle. En France, des études d'impact ont en réalité déjà eu lieu, via les expertises lancées par des CHSCT lors de réorganisations ou de restructurations. Mais dire qu'il faut gérer la dimension santé en même temps que la dimension emploi, c'est un pas que beaucoup de partenaires sociaux n'ont pas franchi, pas plus que les législateurs.

Demandez-vous que ces principes soient obligatoires ?

C.-E. T. : Notre travail consiste à dire qu'il y a sept principes importants et universellement applicables. Aux acteurs de voir quelle est la manière de les appliquer, et cela peut varier fortement selon les pays. La Commission européenne est en pleine préparation d'une initiative sur la gestion des restructurations en Europe, lancée officiellement en mars. Et nos propositions font déjà l'objet de l'attention des instances européennes et des partenaires sociaux, européens et nationaux.

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    Le réseau européen Irene, animé par Astrees, rassemble 125 experts et acteurs sociaux issus de 15 pays différents.

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