© Shutterstock
© Shutterstock

Les limites du sport pour lutter contre les TMS

par Rozenn Le Saint / 29 janvier 2019

Rien ne prouve que la pratique d’exercices physiques puisse prévenir la survenue de troubles musculo-squelettiques (TMS). L’Institut national de recherche et de sécurité vient de publier un communiqué pour diffuser les résultats d’une étude sur le sujet.

S’échauffer avec un coach avant de travailler, pratiquer quelques exercices de renforcement musculaire ou des étirements avant de se mettre au poste… Ces pratiques sportives sont de plus en plus courantes dans les entreprises, et souvent bien vues par ces dernières. Sont-elles pour autant efficaces pour prévenir l’apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS), motif pour lequel elles sont souvent mises en œuvre ? L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) émet des doutes et a tenu à en informer les acteurs de prévention dans un communiqué de presse publié le 22 janvier.

Pas une solution miracle

Dans ce communiqué, l’INRS s’appuie sur les résultats d’une étude menée par des chercheurs de l’Institut et un médecin du travail et publiée en mars 2018. Celle-ci avait pour premier objectif d’évaluer l’efficacité des programmes d’activité physique en matière de prévention des TMS, sur la base d’une synthèse de la littérature scientifique sur le sujet. Elle montre que ces actions, souvent proposées par des consultants extérieurs, ne peuvent suffire à éviter le développement de ces pathologies – qui représentent toujours 87 % des maladies professionnelles en France. C’est le cas notamment lorsqu’elles privilégient « seulement en une approche individuelle de prévention des risques professionnels, sans remise en question de la conception des postes et des modes d’organisation du travail », précise l’INRS.
Responsable de laboratoire au sein du département Homme au travail de l’INRS, Laurent Claudon indique ainsi que « prévenir les TMS ne se résume pas à la pratique d’exercices physiques, qui d’ailleurs ne sont pas sans risques. Ces pratiques doivent systématiquement être mises en place en complément d’actions de prévention collective et ne jamais s’y substituer ». Elles peuvent en revanche s’intégrer dans une démarche plus globale « de prévention collective et d’encadrement médical par les services de santé au travail », souligne l’INRS. Les chercheurs préconisent donc de ne surtout pas se reposer uniquement sur l’accompagnement par un consultant extérieur et d’associer à la réflexion sur la mise en œuvre d’activités physiques, outre le service de santé au travail, l’ensemble des acteurs de l’entreprise, y compris les représentants du personnel.

Un effet sur les douleurs cervicales

Côté littérature scientifique, les chercheurs de l’INRS constatent que les études de terrain ont surtout évalué la mise en œuvre d’expériences dans le secteur tertiaire, où les tâches physiques sont légères. Et ce, alors que les secteurs professionnels les plus touchés par les TMS sont ceux du bois, de l’ameublement, du papier-carton, du textile, des cuirs et peaux, ainsi que le BTP et la métallurgie. Quoi qu’il en soit, la synthèse effectuée par les chercheurs « relève un manque de preuves sur l’efficacité de ces mesures pour prévenir les TMS, excepté pour des personnes souffrant de douleurs dans la région du cou et des épaules et qui ont un travail de bureau sédentaire ». Pour les salariés qui travaillent sur écran, et s’agissant de la région cervico-scapulaire, les exercices physiques de type renforcement musculaire semblent ainsi davantage bénéfiques, par rapport à ceux d’endurance ou aux étirements.
Afin d’éviter que ce ne soit qu’une mesure gadget, les auteurs recommandent également de « bien préciser les effets attendus sur la base d’indicateurs à mettre en place, à des fins d’évaluation de l’efficacité du programme. Ils pourront être de nature médicale : réduction de la douleur, gêne fonctionnelle, déclarations de maladie professionnelle ou accident du travail..., ou encore de type “RH” : absentéisme, turnover, reclassement, climat social... » En conclusion, ils préconisent de développer des indicateurs sur le sujet, compte tenu du faible nombre de données disponibles.