Comment repérer plus précocement les salariés à risque de désinsertion professionnelle ?
Bernard Arnaudo : La loi du 2 août 2021 confie les cellules de prévention de la désinsertion professionnelle aux services de prévention et santé au travail (SPST) interentreprises. Cela a du sens, ils sont au cœur d’un système permettant d'une part un repérage avant même l’arrêt de travail et d’autre part liant le service social de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), les Cap Emploi, l’Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et l’échelon médical des Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). S’agissant des séniors, nous disposons de suffisamment de renseignements sur leurs fins de carrière. Nous savons qu’environ 30 % des séniors en fin de carrière ne passent pas immédiatement du travail à la retraite
, ils arrêtent de travailler avant que leurs droits à la retraite ne soient ouverts. Des sorties précoces liées au chômage ou à des raisons de santé touchent des ouvriers et employés peu qualifiés et même des ouvriers. Certains secteurs sont davantage concernés que d’autres : l’hébergement, la restauration, le bâtiment, les services aux particuliers et aux collectivités, la logistique.
Quelles sont les limites des actions menées sur le terrain pour tenter de réduire la pénibilité chez les séniors ?
B. A. : La prévention primaire et collective constitue notre point faible. Par exemple, un service de santé au travail de la région travaille avec la Carsat sur la limitation de la pénibilité dans les secteurs de la logistique et de la propreté. Mais il fait surtout de la sensibilisation auprès des entreprises. Il les invite à des réunions, expose les risques et la nécessité d’aller plus loin pour prévenir et diminuer la pénibilité. Néanmoins, la suite dépend du bon vouloir des entreprises. Et elles sont encore trop peu à passer à un plan d’actions même lorsqu’elles ont établi un document unique d’évaluation des risques professionnels. Les SPST n’ont pas les moyens de les contraindre à agir, il faudrait travailler davantage avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux.
Quelles sont les pistes pour mieux prévenir la désinsertion professionnelle des séniors compte tenu de l’allongement de l’âge de départ à la retraite ?
B. A. : Il est important de prendre en compte les contraintes physiques, mais aussi organisationnelles et psychocognitives. Vieillir a bien sûr des incidences physiques sur les articulations, les muscles… Mais cela a également un impact sur le système cognitif, on devient moins rapide, moins adaptable à des rythmes de travail contraignants comme le travail de nuit ou en trois-huit. L’utilisation des nouvelles technologies demande de réaliser beaucoup de tâches en même temps, de traiter de nombreux courriels, de zapper d’une tâche à une autre. Or plus on avance en âge, plus on est lent dans ces process. Être mis en compétition avec des gens plus jeunes, plus performants, peut créer une souffrance au travail, il faut y prêter attention.