Masques : ce que recommandait Santé publique France en 2019

par François Desriaux / 28 mars 2020

Un milliard de masques ! C’est le besoin estimé par l’Agence nationale de santé publique, en mai 2019, en cas de pandémie grippale affectant 30% de la population. Dans le document retrouvé par Santé & Travail, les experts recommandaient aussi de constituer des stocks minimaux, avec un système de distribution simple.

Alors que les salariés et agents qui doivent continuer de soigner, alimenter, transporter, surveiller… manquent encore de masques pour se protéger du Covid-19, Santé & Travail a retrouvé un rapport qui préconisait de pouvoir disposer de quantités minimales de ce précieux équipement de protection individuelle. Ce document, rédigé sous l’égide de l’agence sanitaire Santé publique France, est daté de mai 2019 et porte sur le risque de pandémie grippale.

« La gravité d’une pandémie ne peut être prévue »

Au départ, le groupe d’experts, présidé par le professeur Jean-Paul Stahl, spécialiste des maladies infectieuses au centre hospitalier universitaire de Grenoble, avait été saisi par la Direction générale de la santé le 14 novembre 2016 « afin de disposer d’un avis relatif à la stratégie d’utilisation des antiviraux pour faire face à une pandémie et au dimensionnement des stocks stratégiques nationaux d’antiviraux en s’appuyant sur des éléments probants », peut-on lire dans le document final. Mais ses recommandations vont bien au-delà des réserves pharmaceutiques à constituer.
Tout d’abord, s’agissant d’un risque épidémique, le constat des scientifiques est sans appel. « Le risque et la gravité d’une pandémie ne peuvent être prévus, ni la date de sa survenue, écrivent-ils. Chaque pandémie a ses propres caractéristiques, liées aussi bien au virus lui-même qu’aux conditions sanitaires et sociales du moment et au lieu d’émergence. Pour ces raisons, l’épidémie de grippe A (H1N1) de 2009-2010 ne peut être considérée comme une référence en termes de pandémie, en raison de sa relative bénignité. Mais tout aussi bien l’épidémie de 1918-1919, en raison de la virulence du virus et surtout des conditions sanitaires de l’époque, ne peut être considérée comme une référence de gravité pour notre époque. En revanche, ces pandémies peuvent constituer des bases pour modéliser et comparer des mesures de protection. »

Masques de soin et FFP2

Ce faisant, les experts ont estimé, au vu de la littérature scientifique sur le niveau de protection offert par les masques de soin (masques chirurgicaux) et les appareils de protection respiratoire (APR, les masques dits FFP), qu’il n’y avait pas lieu de modifier la stratégie définie lors de l’épisode épidémique de 2009-2010. A savoir : dans la communauté, les masques de soin doivent être portés par les patients symptomatiques ; en milieu hospitalier, il convient de porter des masques de soin pour entrer dans la chambre d’un malade et un APR de type FFP2 pour les soins invasifs ou à risques respiratoires. Mais on peut également lire, dans le rapport, que la fiche C4 du plan pandémie grippale « propose le port du masque à toute personne vivant dans l’entourage d’un cas de grippe possible ou confirmé et à toute personne exerçant des activités de vie collective ».
Les scientifiques ont alors estimé qu’en cas de pandémie, le besoin « est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30% de la population ». Soit un milliard de masques ! Et le rapport de préciser : « L’importance du stock est à considérer en fonction des capacités d’approvisionnement garanties par les fabricants ». Toutefois, les auteurs recommandent plutôt « de constituer un stock minimal à renouveler, l’objectif étant que ce stock puisse tourner pour être utilisé dans les établissements de santé et médico-sociaux un an avant leur péremption ». Ils spécifient également que celui-ci « doit être positionné au plus près des utilisateurs, avec un processus de distribution simple et lisible dans la communauté ». On peut faire l’hypothèse que ce document sera examiné à la loupe par tous ceux qui auront à apprécier si les mesures de prévention prises par les autorités sanitaires françaises et le gouvernement ont été à la hauteur de ces recommandations pour protéger la population et, en particulier, les travailleurs.