Médecine du travail ou contrôle technique ?

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Christian Torres médecin du travail
/ octobre 2012

Médecine du travail ou contrôle technique ? C'est la question que peuvent se poser salariés et praticiens face au projet de télémédecine du travail présenté récemment par la société Domocare. Le but avoué est de diminuer les dépenses liées à la médecine du travail en réduisant les temps et les frais de transport nécessités par les examens. Pour cela, les réponses à un questionnaire ainsi que des données métrologiques (poids, taille, tension artérielle...) sont enregistrées sur un serveur sécurisé. Le médecin du travail analyse ces données à distance et décide, sans avoir examiné le salarié, soit de délivrer le certificat d'aptitude, soit de convoquer le salarié pour un échange confidentiel par webcam. Dans le cas où cet échange a lieu, et au terme de celui-ci, le médecin du travail a la possibilité de délivrer le certificat d'aptitude ou de convoquer le salarié pour une "visite traditionnelle".

Au-delà de la nature caricaturale de ce projet, qui s'apparente plus à un contrôle technique automobile qu'à un examen médical, on peut s'interroger sur ses fondements conceptuels. La réponse se trouve dans le dépliant publicitaire : la surveillance médicale des salariés a pour principal objectif de vérifier l'aptitude au poste de travail occupé. Une fois de plus, c'est ce concept périmé et stérile d'aptitude qui vient dénaturer la médecine du travail.

Heureusement, la convention dite d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée en 1997, est devenue opposable dans le droit français depuis sa publication le 7 juillet au Journal officiel. Ses articles 2 et 3 stipulent que "l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société" et que "les parties prennent [...] les mesures appropriées en vue d'assurer [...] un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée". On peut espérer qu'à la lumière de ces principes, le Code du travail va évoluer pour qu'enfin il n'y ait plus de doute sur la finalité exclusivement préventive des examens pratiqués par les médecins du travail.