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Pacte syndical contre l’usure professionnelle

par Catherine Abou El Khair / 08 avril 2024

Dans le cadre de la négociation du « pacte de la vie au travail », les syndicats ont élaboré des propositions communes pour prévenir l’usure professionnelle. Mais l’emploi, plus que le travail, reste la priorité des employeurs.

Travailler deux ans de plus, mais dans quelles conditions ? La question est au cœur des préoccupations des organisations syndicales qui se retrouvent ce lundi 8 avril pour une dernière séance de négociation du « pacte de la vie au travail ». A la demande de l’exécutif, les partenaires sociaux doivent s’accorder sur un arsenal de mesures visant à favoriser l’emploi et la reconversion des seniors mais aussi à mieux lutter contre l’usure professionnelle. Ce tout dernier volet, inscrit par le gouvernement dans sa lettre de cadrage, est pris très au sérieux par les organisations syndicales dans le contexte post-réforme des retraites. « Cette négociation porte sur un sujet important pour des millions de salariés, à qui l’on demande de travailler deux ans de plus, sans se préoccuper des conditions dans lesquelles ils vont travailler », insistait, le 20 mars dernier, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).

Renforcer la négociation sur l’usure professionnelle

Déterminées à peser, les cinq confédérations à la table des négociations ont diffusé 10 propositions communes dans l'objectif de conclure un « accord ambitieux ». Afin d'adoucir les fins de carrières, elles demandent un « droit à la retraite progressive opposable 4 ans à partir de 60 ans » accompagné d’une prise en charge des cotisations retraites à 100 %, ainsi qu’un maintien de ces mêmes taux pour les salariés en fin de carrière qui passent à temps partiel. Une autre de leurs propositions vise à aborder directement la question de l’usure professionnelle. Ensemble, les représentants des salariés réclament de « renforcer par la négociation collective la prévention de l’usure professionnelle ». Pour cela, les syndicats veulent « rendre obligatoire la cartographie des métiers à risque et fort taux de sinistralité dans les branches et les entreprises ». Cette liste permettrait de remplir deux objectifs, « anticiper les reconversions » et « mettre en place des plans de prévention obligatoire intégrant les aménagements de fin de carrière ».
« Un salarié qui a un métier usant doit avoir accès à des mesures de prévention contre les risques professionnels, d’employabilité et d’aménagement de son temps de travail », résume Isabelle Mercier, secrétaire nationale CFDT, responsable notamment de la politique en matière d’organisation et de vie au travail, du temps de travail et de la santé au travail. Sur ce point, à ses yeux, la prévention ne progresse pas assez dans les entreprises. L’indice de sinistralité de 0,25 obligeant les entreprises de plus de 50 salariés à négocier un accord de prévention des effets de l'exposition aux risques professionnels, est un seuil qu’elle juge trop élevé. 

Un fonds pour la prévention de l’usure mal parti

Souhaitant améliorer la prévention des risques ergonomiques, le gouvernement a créé un Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu), géré par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) et doté d’un milliard d’euros d’ici à 2027. Ainsi, cet outil de financement devait s’appuyer sur « une cartographie des métiers et des activités » exposés au port de charge, aux postures pénibles et aux vibrations mécaniques, définie si possible par les branches professionnelles et sur la base de données relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles. 
Mais depuis l’an dernier, et faute d’obligation, très peu d’entre elles ont décidé de saisir cette opportunité, à l’exception, à ce jour, des industries électriques et gazières et du BTP. Faute de disposer de ces informations, « la CAT/MP a choisi, dans ses orientations 2024, de s’appuyer sur un indicateur d’usure professionnelle regroupant les troubles musculosquelettiques et les lombalgies », indique la Caisse nationale d’assurance-maladie dans un communiqué de presse. « Les employeurs sont peu enclins à établir des risques », s’inquiète Maxime Legrand, le secrétaire national de la CFE-CGC en charge du travail, de l’organisation et de la santé. Une mauvaise volonté des organisations d’employeurs aggravée par des obstacles techniques. « Les branches n’arrivent pas à savoir sur quels métiers travailler », souligne le syndicaliste. « Faute de disposer de données de sinistralité déclinées par métier, nous avons dû annuler les réunions qui devaient nous permettre d’avancer sur ce sujet », confirme Fabrice Nicoud, président de la fédération CFE-CGC de la métallurgie. 
Quelques jours avant la dernière séance de négociation dans le cadre du pacte de la vie au travail, ces préoccupations des syndicats n’étaient guère entendues par les organisations patronales. « Elles se focalisent sur l’emploi alors que notre voie d’entrée, c’est le travail », soulignait Isabelle Mercier, de la CFDT.