© Caroline Gamon

Soigner les maux de l'hôpital-usine

par François Desriaux et Stéphane Vincent / octobre 2018

"Même si la satisfaction de soigner et de sauver est toujours présente au quotidien chez les soignants, le mal-être s'est désormais installé profondément." Le président de la République lui-même a bien été obligé de reconnaître les "tensions insupportables" à l'hôpital, en présentant son plan santé, le 18 septembre dernier.
Difficile aujourd'hui de savoir si les 54 mesures détaillées par Emmanuel Macron permettront de desserrer l'étau qui malmène les soignants. Les organisations du travail héritées des réformes précédentes ont généré un mal profond, dont on ne sortira qu'en regardant de plus près l'activité de soins. De ce point de vue, trois pistes au moins devraient être explorées.
Tout d'abord, il faut diminuer les contraintes de rythme. Travailler dans l'urgence, interrompre une tâche pour une autre plus pressée, avoir trop de choses en tête sont autant de facteurs de risque pour la santé des soignants et celle des patients. Lutter contre l'épuisement professionnel suppose aussi de s'interroger sur le développement des horaires de travail en 2 × 12 heures.
Ensuite, face à la souffrance des soignants, les politiques de prévention, pour devenir efficaces, gagneraient à s'appuyer sur les ressources que les personnels parviennent malgré tout à mobiliser dans le but de préserver l'essentiel.
Enfin, il faut sortir du concept d'hôpital-usine et de ses logiques purement gestionnaires, afin que le travail de care ait de nouveau sa place. C'est primordial, pour redonner du sens à l'activité et améliorer la qualité des soins.

© Nathanaël Mergui/Mutualité française
© Nathanaël Mergui/Mutualité française

Des personnels hospitaliers sous pression

par Frédéric Moatty chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique (Lise-CNRS) et au CEET Mihaï Dinu Gheorghiu chercheur au Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET), / octobre 2018

Les contraintes de rythme pesant sur le travail des personnels hospitaliers se sont renforcées, en lien avec la rationalisation de leur activité. Si l'entraide sur le terrain reste importante, les soignants sont aussi surexposés aux risques psychosociaux.

Le secteur hospitalier cumule de nombreuses exigences de travail : horaires atypiques (nuit, week-end...) pour assurer la continuité des soins, rythmes imposés par le travail en urgence, efforts physiques, etc. Des contraintes attestées par les résultats des enquêtes nationales Conditions de travail. Celles-ci montrent que l'activité des soignants, dans les établissements de santé publics et privés, est marquée par l'urgence : en 2013, 77 % des infirmiers et sages-femmes déclarent devoir toujours ou souvent se dépêcher, tandis que 85 % doivent, de plus, fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue. Les soignants ont ainsi le sentiment d'exercer un travail sous pression et de plus en plus fragmenté.

Ce sentiment est à relier à une croissance des contraintes pesant sur les rythmes de travail dans le secteur hospitalier entre 1998 et 2013, plus marquée que dans les autres secteurs d'activité. La proportion des personnels hospitaliers se disant soumis à des normes de production ou des délais à respecter en une heure est ainsi passée de 24 % à 32 %. Idem pour les délais sur une journée au plus (de 37 % à 48 %), les contraintes techniques (de 13 % à 20 %), les demandes...

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