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Plan prévention "cache-misère" dans la fonction publique

par Martine Rossard / 24 mars 2022

Le plan santé au travail dans les trois fonctions publiques a été fraichement accueilli par les organisations syndicales, alors que les CHSCT auront disparu en janvier prochain. Elles lui reprochent un manque d’ambition, notamment sur la prévention primaire.

Le premier plan santé au travail (PST) dans la fonction publique, qui couvrira la période 2022-2025, a été lancé le 14 mars par Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Cette « feuille de route », objet d’une concertation – et non d’une négociation – avec les partenaires sociaux, concerne les trois fonctions publiques, d’Etat, hospitalière et territoriale, soit plus de cinq millions d’agents. Le texte final a été fraîchement accueilli par FO, la CGT, la FSU et Solidaires, qui ont claqué la porte après avoir lu une déclaration commune. L’intersyndicale refuse de cautionner un lancement « qui ressemble fortement à une opération de communication » pour un plan « dénué de toute ambition ». Elle dénonce le contexte de suppression des CHSCT, de politiques publiques « qui maltraitent les agents » et de réformes « qui font perdre le sens de l’activité ».

La pénibilité invisible

Pour Christophe Girard, secrétaire général de la CGT Fonction publique d’Etat, il aurait fallu un accord-cadre ayant force de loi pour concrétiser les buts affichés. La ministre, elle, a émis le souhait que le plan puisse « vivre » et a évoqué l’ouverture de négociations locales pour traiter de l’organisation du travail, de la qualité de vie et des conditions de travail.
Le plan, sans financement dédié ni objectifs chiffrés, compte cinq axes et seize objectifs déclinés en 36 mesures. Le premier axe, « Développer le dialogue social et le pilotage de la santé et sécurité au travail », prévoit de renforcer le rôle de la « FS4 », le nom de la commission spécialisée sur les questions sociales du Conseil commun de la fonction publique ; elle serait associée à l’analyse de données, à l’élaboration d’appels à projets, au suivi du plan et à la définition des orientations stratégiques. Hervé Moreau, qui siège dans cette « FS4 » au nom de la FSU, souhaite surtout pour cette instance des réunions plus fréquentes et des capacités d’expertise, notamment sur la pénibilité « aujourd’hui invisible dans la fonction publique ». Pour ce responsable syndical, les lacunes du plan concernent surtout la prévention primaire, objet du deuxième axe pourtant intitulé : « Prioriser la prévention primaire et développer la culture de prévention ». Les mesures envisagées apparaissent pour le moins modestes: publication d’une circulaire « rappelant l’obligation » de mise en place et d'actualisation du document unique d’évaluation des risques (DUER), mise à disposition de ressources méthodologiques et de contenus de formation.

Pas de contraintes pour les employeurs

Tout en reconnaissant au plan le mérite d’exister, Annick Fayard, secrétaire nationale de l’Unsa Fonction publique, s’inquiète de l’absence de contraintes pour les employeurs qui ne respectent pas la législation sur le DUER et sur les plans de prévention. Côté ministère, Sophie Baron, sous-directrice des politiques sociales et de la qualité de vie au travail, objecte que… la loi n’est pas davantage respectée dans le secteur privé, malgré les sanctions légalement prévues.
Favoriser la qualité de vie et des conditions de travail, prévenir la désinsertion professionnelle et renforcer le système d’acteurs de la prévention constituent les trois autres axes du texte. Aucune précision n’est apportée concernant les moyens humains des services de médecine préventive touchés par la pénurie de médecins du travail. Sophie Baron rappelle les récentes augmentations des rémunérations, les possibilités de mutualisation interservices et de recours aux services privés de santé au travail.

Disparition des CHSCT

On semble loin du compte. Selon Hervé Moreau, l’Education nationale ne compte actuellement que 70 médecins du travail alors qu’il en faudrait 470, et leurs préconisations restent souvent lettre morte. Les services d’inspection en santé au travail connaissent les mêmes problèmes.
Quant aux CHSCT, qui étaient constitués précédemment à partir de 50 agents, ils disparaitront en janvier 2023. Or les commissions spécialisées, prévues pour leur succéder, ne seront créées qu’à compter de 200 agents présents. Autant dire qu’elles seront inexistantes dans de nombreux services et établissements, notamment dans les Ehpad. De plus, souligne Hervé Moreau, elles ne seront pas consultées en cas de restructuration : aucune expertise ne pourra donc être demandée dans ce contexte. Alors même, dénonce l’intersyndicale, que les réorganisations, tout comme le manque de moyens humains et matériels ou « le pilotage par l’évaluation », impactent fortement la santé physique et mentale, mais aussi sociale, des agents. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la qualité du service public.