Des plombiers peu protégés contre l'amiante

par Anne-Marie Boulet / octobre 2013

Les plombiers-chauffagistes sont exposés à l'amiante, sans forcément avoir la formation ou les savoir-faire qui leur permettraient de se protéger. C'est ce que montre une étude menée par l'Institut national de recherche et de sécurité.

Les plombiers sont une des professions qui ont payé le plus lourd tribut à l'amiante. Et cela ne semble pas près de changer. En effet, selon une étude récente de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), menée en collaboration avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), les artisans actifs semblent toujours exposés, sans être protégés. Cette recherche qualitative a impliqué 63 artisans plombiers-chauffagistes, volontaires, qui ont porté un badge recueillant les éventuelles fibres d'amiante émises pendant une semaine d'observation de leur activité.

Première surprise, un plombier-chauffagiste sur trois a été exposé à l'amiante au cours des activités réalisées pendant la semaine de l'enquête. Cela illustre que, plus de quinze ans après l'interdiction du matériau cancérogène, ce dernier est encore bien présent dans les habitations ou les immeubles où ces travaux étaient réalisés. Second enseignement, tout aussi inquiétant, obtenu par questionnaire sur la perception du risque par les artisans et leur degré de connaissance et de formation : un peu plus de 40 % des plombiers exposés n'avaient pas conscience de l'avoir été. Un chiffre qui s'explique par leur méconnaissance du matériau cancérogène : 24 % des participants, soit un sur quatre, déclarent ne pas savoir reconnaître les produits amiantés.

Masques en papier et aspirateur

Difficile, du coup, de se protéger. Seuls 14 % des travailleurs exposés l'ont fait d'une manière quelconque. Mais, dans un cas sur deux, les moyens utilisés n'étaient pas adaptés : masques en papier qui ne filtrent pas l'amiante ou, en protection collective, des aspirateurs domestiques ! "Non seulement ils ne sont pas du tout efficaces, mais ils remettent l'amiante en suspension dans l'air", souligne Céline Eypert-Blaison, du département métrologie des polluants de l'lNRS, qui a mené ce travail de recherche. Un tiers des travailleurs exposés n'ont pris aucune mesure de protection et, plus alarmant encore, 94 % des participants déclarent n'avoir jamais suivi de formation sur l'amiante. Celle-ci, d'après les textes réglementaires, est pourtant obligatoire. De plus, ces chiffres sont sûrement en dessous de la réalité. En effet, l'échantillon comprend 67 % de chefs d'entreprise. Même si, dans les TPE du bâtiment, ceux-ci sont très souvent sur le terrain, leurs employés sont sans doute encore un peu plus exposés... et pas forcément mieux formés.

Face à ce constat alarmant, les pistes évoquées par la Capeb semblent bien timides. Il n'est pas question de lancer une grande campagne de sensibilisation de la profession, comme l'ont proposé plusieurs experts. Essentiellement pour des questions de coût. Pourtant, fait-on remarquer à l'INRS, "tous les outils d'information existent déjà ; il conviendrait de travailler sur leur adaptation à chaque métier et sur leur diffusion".

Une piste semble retenir l'attention : sensibiliser les femmes des artisans plombiers. Ce sont bien souvent elles qui tiennent le secrétariat et ce peut être un bon vecteur de communication pour sensibiliser leurs maris à la persistance de ce risque. Une question demeure toutefois : la Capeb aura-t-elle la volonté de s'emparer sérieusement du problème ? Il y a quelques mois, cet organisme faisait signer une pétition en ligne sur son site (www.capeb.fr) contre de nouvelles réglementations imposant une certification à toute entreprise intervenant sur des chantiers potentiellement amiantés... Ce ne serait pourtant pas un luxe.