" La pluridisciplinarité tend à se développer "

par Stéphane Vincent / avril 2010

Dresser un panorama de la recherche en santé au travail en Ile-de-France, c'est l'exercice original auquel vient de se prêter Malika Litim, enseignante-chercheuse à l'université Paris 13, avec le Centre de recherche sur le travail et le développement du Cnam.

Pourquoi avoir réalisé un inventaire des recherches menées en Ile-de-France sur la santé au travail ?

Malika Litim : A la suite du plan santé-travail 2005-2009, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a souhaité faire sur l'ensemble du territoire un inventaire des ressources scientifiques existant sur cette question. En Ile-de-France, c'est Yves Clot, directeur du Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), qui a eu la responsabilité de cet inventaire, conduit en collaboration avec d'autres chercheurs.

On comprend l'importance d'un tel travail au regard des enjeux sociaux : alors que les dimensions psychologiques des problèmes de santé au travail ont acquis plus de poids, les atteintes physiques à la santé des travailleurs non seulement n'ont pas disparu mais se sont renouvelées, sans compter les questions soulevées par les pathologies liées au chômage et à la précarité. Pourtant, la situation actuelle est caractérisée à la fois par l'ampleur des problèmes réels et par la faiblesse persistante des efforts de recherche concertés, systématiques et durables.

Cet inventaire a-t-il permis d'identifier des thèmes privilégiés ?

M. L. : On ne peut guère dégager les thèmes de recherche sans traiter de la diversité des traditions disciplinaires, des objets et des méthodes scientifiques. De fait, on a affaire à des conceptions très différentes du travail, de la santé et de leurs liens, conceptions qui s'articulent avec des méthodes d'investigation spécifiques et qui diffèrent aussi dans les modes d'action et les usages sociaux.

Cela posé, nous pouvons quand même constater qu'une grande majorité des recherches porte sur les atteintes à la santé dues au travail, travail considéré comme conditions, expositions, organisation, emploi, etc. Bref, le travail comme source de maladies. Du coup, la santé est couramment entendue comme absence de maladies. Mais cette conception se discute, et d'autres recherches portent plutôt sur la manière dont le travail devient ressource pour la santé.

On peut ajouter qu'avec des phénomènes tels que l'" épidémie " de troubles musculo-squelettiques (TMS), la question des rapports entre le psychisme et le corps en matière de santé au travail revient au premier plan.

Certaines disciplines sont-elles mieux représentées que d'autres ? La pluridisciplinarité est-elle développée ?

M. L. : Notre inventaire n'est pas un simple diagnostic, il a été construit pour être un véritable instrument de structuration du champ scientifique sur la question santé/travail. En revanche, son mode d'élaboration, sur la base du volontariat, fait que tous les chercheurs travaillant dans le champ en Ile-de-France n'y sont pas présents.

Au total, nous avons recensé dix disciplines : l'ergonomie, la sociologie et la psychologie sont bien représentées, suivies de l'épidémiologie, l'économie-gestion, la médecine du travail et l'histoire. Les disciplines les moins bien représentées sont le droit, la démographie et la philosophie.

La pluridisciplinarité semble être plus ou moins mise en oeuvre selon les disciplines et selon les projets. Si elle n'est pas la pratique majoritaire, elle tend à se développer du fait de la nature des nouvelles problématiques : l'apparition des risques psychosociaux est exemplaire de ce point de vue.