Préretraite amiante : un front syndicats-victimes

par Frédéric Lavignette / juillet 2008

En adoptant une position commune, les organisations syndicales et les associations de victimes ont pesé sur le rapport Le Garrec pour une réforme de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata).

Le fait est suffisamment rare pour être signalé : sur le difficile et très technique dossier de la réforme de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), les cinq organisations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) et les deux associations de victimes (Andeva et Fnath) ont adopté une position commune. Incontestablement, leurs propositions pour ouvrir le dispositif à des catégories de salariés exposés à l'amiante autres que celles aujourd'hui éligibles ont pesé sur le rapport remis le 24 avril dernier par l'ancien ministre et député socialiste du Nord, Jean Le Garrec, au ministre du Travail et de la Solidarité, Xavier Bertrand. Mais pas suffisamment, au dire des représentants des salariés et des victimes. La volonté du gouvernement était de réduire les dépenses du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), financé principalement par les cotisations des employeurs. Ce qui a fortement influencé la rédaction du rapport.

Avec un coût de 920 millions d'euros en 2007, contre 325 millions en 2002, les dépenses du dispositif Acaata ont explosé ces dernières années, dépassant de plus du double le montant des indemnisations des victimes. Sachant que cette préretraite amiante reste quasiment l'un des seuls vestiges des systèmes de départ anticipé depuis la réforme des retraites, la pression est donc forte pour réviser à la baisse le dispositif. Sauf que le dossier est sensible. Personne ne peut sérieusement contester l'équité qui consiste à faire bénéficier d'une retraite anticipée ceux qui risquent de ne pas profiter longtemps de leur pension.

"Injuste". Depuis 1999, ce dispositif permet donc à des salariés de plus de 50 ans qui ont été exposés au matériau cancérogène de partir en préretraite, pour compenser leur perte d'espérance de vie. Mais pour être éligibles, ces salariés doivent avoir travaillé dans des entreprises figurant sur une liste d'établissements issus de quatre secteurs industriels : transformation d'amiante, flocage et calorifugeage, construction et réparation navales, dockers. "Injuste", estimaient associations de victimes et syndicats, soulignant que "le dispositif laisse de nombreux salariés, comme ceux du bâtiment, sur le bord du chemin". Selon elles, "deux salariés ayant eu les mêmes expositions doivent avoir les mêmes droits, quel que soit leur statut"

Le rapport de Jean Le Garrec ne va pas aussi loin. Il suggère de maintenir un accès limité aux entreprises issues de ces quatre secteurs industriels, en fermant les listes d'établissements au 1er janvier 2010. Seule nouveauté, plusieurs métiers viennent s'ajouter au système actuel : les chaudronniers-tôliers, les tuyauteurs, les mécaniciens de maintenance, les soudeurs sur métaux, les plombiers chauffagistes. De fait, d'autres travailleurs sont toujours laissés pour compte. Pour ce qui est du financement du Fcaata, le rapport souhaite que l'Etat et les entreprises augmentent leur participation, mais il n'envisage pas d'accroître le montant minimal de l'allocation. Reste à savoir quelle traduction législative le gouvernement fera de ce rapport.