Produits chimiques Les syndicats européens proposent leur liste noire

par Joëlle Maraschin / juillet 2009

L'Agence européenne des produits chimiques propose de ne soumettre que sept substances à la procédure d'autorisation prévue par le règlement Reach. Critique, la Confédération européenne des syndicats (CES) a dressé sa propre liste, avec 300 produits.

La montagne est-elle en train d'accoucher d'une souris ? C'est la question que posent la Confédération européenne des syndicats (CES) et son Institut syndical européen au vu de la mise en oeuvre du règlement Reach1 sur les produits chimiques. Notamment en ce qui concerne la procédure d'autorisation applicable aux substances extrêmement préoccupantes. Celles-ci regroupent les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) classés en catégorie 1 (avérés) ou 2 (possibles) ; les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) ; les produits ayant des effets similaires.

Ces substances doivent être inscrites au fur et à mesure sur une liste prioritaire pour être soumises à la procédure d'autorisation. Cette inscription représente un enjeu important en termes de prévention. Elle entraîne en effet de nouvelles obligations pour les industriels qui fabriquent ou utilisent les produits concernés. A partir de 2011, ils devront demander une autorisation d'utilisation ou abandonner leur fabrication ou leur emploi. Ils devront d'ici là fournir des fiches de données de sécurité adaptées aux utilisateurs professionnels, des informations aux consommateurs qui en font la demande, etc.

 

Plus de 1 500 substances dangereuses en circulation

 

Or l'Agence européenne des produits chimiques (Echa), qui est chargée de mettre en oeuvre Reach, a publié le 1er juin une première liste de substances prioritaires singulièrement limitée. En tout et pour tout, sept produits ont été classés comme tels, soit trois substances reprotoxiques (phtalates DEHP, BBP et DBP), un cancérogène (le durcisseur MDA) et trois substances PBT : le musc xylène, l'hexabromocyclododecane (HBCDD) et les paraffines SCCPs. Pourtant, plus de 800 substances sont déjà reconnues par l'Union européenne comme CMR des catégories 1 et 2. Et les Etats membres se sont déjà accordés sur une liste d'une trentaine de substances PBT. Autant de substances " extrêmement préoccupantes " qui pourraient d'ores et déjà être inscrites sur la liste des candidates à l'autorisation. Par ailleurs, selon plusieurs ONG, entre 1 500 et 2 000 substances dangereuses pour la santé sont actuellement en circulation sur le marché européen.

" Au rythme actuel, il faudra plus de cent ans pour s'affranchir des substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé des travailleurs, des citoyens et de l'environnement ", s'inquiète Tony Musu, chargé du suivi de Reach à l'Institut syndical européen. Selon les observateurs, le staff actuel de l'Echa ne permet pas de traiter plus de 15 dossiers d'autorisation par an. Cependant, une liste prioritaire digne de ce nom pourrait permettre aux salariés exposés d'être mieux informés sur leurs risques.

La CES a donc opté pour une stratégie pragmatique, afin d'influencer les Etats membres censés proposer l'inclusion de telle ou telle substance sur la liste prioritaire. Elle a présenté fin mars dernier sa propre liste de 306 substances chimiques prioritaires, en conformité avec les critères de Reach. Parmi elles, 191 sont reconnues au niveau européen comme étant à l'origine de maladies professionnelles. Cette liste contient des CMR 1 et 2, des perturbateurs endocriniens, des substances allergisantes ainsi que PBT. Pour la CES, leur inscription sur la liste prioritaire permettrait de diminuer le nombre de maladies professionnelles liées à leur utilisation. Les risques chimiques représentent un tiers des maladies professionnelles reconnues dans l'Union européenne.

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    Pour " Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals ". Voir Santé & Travail n° 63, juillet 2008, page 47.

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