Renault, l'observatoire du stress épinglé

par Joëlle Maraschin / avril 2008

Selon l'expertise demandée par l'un des CHSCT du Technocentre Renault, l'observatoire du stress mis en place par le constructeur automobile est inadapté à la prévention des risques psychosociaux, bien présents sur le site de Guyancourt.

Les dispositifs d'observation du stress seraient-ils contre-productifs ? C'est l'une des questions posées par l'expertise CHSCT menée au Technocentre Renault, à Guyancourt (Yvelines), et diligentée suite à la série de suicides survenus fin 2006 et début 2007. Il y a dix ans, Renault a été l'une des premières entreprises à se doter d'un observatoire du stress, l'outil Omsad1 , mis en place avec le concours de l'Institut français d'action sur le stress (Ifas). A l'évidence, cet outil n'a pas permis d'alerter l'entreprise sur la souffrance au travail des salariés du Technocentre. Pire encore, la direction de l'entreprise s'est même réfugiée un temps derrière les données rassurantes issues de cet observatoire pour éviter de questionner l'organisation du travail.

Sur la base d'un test de dépistage informatisé, passé à chaque visite médicale, l'outil Omsad est centré sur le repérage et le suivi des troubles anxieux et dépressifs des salariés et non sur l'identification des facteurs de risque. Il ne permet donc pas de répondre à l'obligation de prévention en matière de santé psychique des salariés, selon l'expert du CHSCT, le cabinet Technologia. Dans son prérapport, que Santé & Travail s'est procuré, l'expert fait état d'une défiance des salariés par rapport au test de dépistage : redondance des questions, possibilité de manipuler le test, absence de suivi et sentiment d'inutilité... Afin de faire évoluer l'outil, Technologia propose une approche participative, par l'intermédiaire d'un groupe projet, pour accompagner la construction d'un questionnaire de facteurs de stress. " L'outil Omsad permettrait ainsi d'intervenir sur les causes organisationnelles ", précise le rapport d'expertise.

 

Près d'un tiers des salariés sous tension

 

Lancée en mars 2007 sur fond de division syndicale et suite à une forte pression de l'Inspection du travail, l'expertise CHSCT devait également mettre en lumière les facteurs organisationnels et psychosociaux susceptibles de générer une souffrance au travail. A cet escient, Technologia a diffusé un questionnaire à l'ensemble du personnel et a interviewé plus de 120 salariés. Selon l'analyse effectuée par le cabinet, sur la base d'une méthodologie éprouvée, la prévalence du job strain, qui correspond au pourcentage de salariés en situation de travail sous tension, est de 31 % chez les salariés de Renault et de 30 % chez les salariés prestataires. A titre de comparaison, le rapport précise que cette prévalence dans la population française est de 10 % pour la catégorie des cadres et des ingénieurs. Il souligne également qu'une part importante des salariés semble être en surcharge de travail.

Le rapport final de Technologia a été présenté en CHSCT en janvier dernier. Quelques jours après, l'avocate de la veuve du premier salarié suicidé a annoncé son intention d'engager une procédure en faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale. Fin février, un autre salarié, travaillant au Technocentre mais employé par un prestataire de services, s'est donné la mort à son domicile. Saisi début juillet 2007 par l'Inspection du travail, qui dénonce un " harcèlement institutionnel " sur le site, le procureur de la République de Versailles ne s'est toujours pas prononcé. Mais le rapport de Technologia devrait influer sur la décision du parquet de poursuivre ou non l'entreprise.

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    Pour " Observatoire médical du stress, de l'anxiété et de la dépression ".