
La réticence au dialogue social, une spécificité nationale ?
La France est-elle en retard sur la pratique du dialogue social relatif au déploiement de l’IA ? Pour Jérôme Gautié, professeur d’économie à l’Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, cela ne fait aucun doute. Plusieurs raisons l’expliquent. « Sur ces questions de changements technologiques, et même d’organisation du travail en général, nos syndicats ont moins d'expertise que leurs homologues d’Allemagne ou des pays nordiques, qui ont investi ces champs depuis longtemps. Ce sont des sujets moins faciles que les salaires, l'emploi ou la précarité. Par ailleurs, les confédérations syndicales sont beaucoup plus puissantes dans ces pays-là, et elles ont beaucoup plus de moyens. » Autre spécificité française : « Les réticences du patronat à discuter de l’organisation du travail et de tous les choix qui peuvent l’impacter, par exemple le développement d’un système d’IA. »
L’étude du Cnam qui s’intéresse aux accords négociés autour de l’IA confirme cette analyse : « C’est une négociation difficile dans les modèles d’organisation du travail dominants qui ne promeuvent pas suffisamment la participation des salariés. » Du côté du projet DIAL-IA, on constate que « le SIA est trop souvent imposé à marche forcée dans une logique descendante. » Depuis plusieurs années, les syndicats réclament « un accord interprofessionnel pour négocier dans un cadre sécurisant pour les salariés et pour les entreprises, rappelle Nicolas Blanc de la CFE-CGC. Malheureusement, les organisations d’employeurs ne voient pas les choses de la même façon. Dans son Tour de France de l’IA , le Medef n’a pas mentionné le dialogue social. Il ne l’a pas fait non plus lors du sommet de l’IA en février 2025, qui était chapeauté par l’Elysée. » Sollicité par les syndicats sur la nécessaire négociation d’un accord interprofessionnel, le gouvernement n’a pas donné suite.