Pour une retraite en bonne santé

par
Stéphane Vincent
/ avril 2022

« Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver… » Ce refrain, tiré d’une chanson bien connue d’Henri Salvador, n’a jamais autant résonné avec l’actualité. L’annonce de campagne faite par Emmanuel Macron d’un report de l’âge de la retraite à 65 ans vient en effet de relancer le débat sur la soutenabilité du travail. Dans une tribune publiée en mars dernier sur notre site internet, deux économistes, Thomas Barnay et Eric Defebvre, ont utilement rappelé que la retraite avait un rôle protecteur pour la santé de tous. Pour celles et ceux qui ont été confrontés à des conditions de travail difficiles, tout d’abord. Mais aussi pour les autres. Les deux chercheurs soulignent aussi que la France est un des pays européens où l’environnement social de travail est le plus dégradé. Les Français souffrent du et au travail.
L’objectif de rallonger la durée de vie active ne tient pas davantage compte d’autres réalités. A commencer par les inégalités sociales de santé. La surexposition de certaines parties de la population à une usure prématurée de leur santé du fait du travail explique en partie les écarts d’espérance de vie entre les catégories sociales : six ans entre les ouvriers et les cadres à 35 ans. Un écart qui se creuse et passe à dix ans pour l’espérance de vie en bonne santé, sans incapacités.
Ensuite, les entreprises françaises n’ont toujours pas intégré les reculs précédents de l’âge de la retraite. Faute d’avoir adapté le travail, la France affiche un faible taux d’emploi des seniors. Ainsi, un salarié sur deux n’est plus en emploi lorsqu’il atteint l’âge de la retraite, notamment à cause de problèmes de santé. C’est le cas pour ceux ayant occupé des métiers qui les ont exposés à des facteurs de pénibilité.
Enfin, les dispositifs autorisant un départ anticipé en retraite – carrières longues, compte personnel de prévention (C2P), préretraite amiante – ne compensent que partiellement la perte d’espérance de vie. Et ils ne couvrent pas toutes les sources d’usure de la santé. C’est le cas du C2P, depuis que le gouvernement a décidé de retirer l’exposition à des produits toxiques, les postures pénibles ou les manutentions de charges, de la liste des facteurs de pénibilité. Ces contraintes sont pourtant pourvoyeuses de maladies invalidantes, comme les troubles musculosquelettiques, voire de décès prématurés, pour ce qui est des cancers.
En définitive, reculer l’âge de la retraite sans tenir compte de tous ces éléments revient à pénaliser des salariés déjà désavantagés, parce qu’ils ont moins de chances de profiter d’un repos bien mérité et une forte probabilité d’en bénéficier moins longtemps. Il serait donc temps de raisonner autrement, de commencer par garantir à toutes et à tous des conditions de vie et de travail moins délétères, permettant d’atteindre la retraite en meilleure santé.