Revenus et santé : des liens difficiles à démontrer

par Michel Niezborala / janvier 2010

Si l'argent ne fait pas le bonheur, peut-il au moins contribuer à la santé ? La question des revenus est abordée dans au moins trois grands domaines de la recherche en santé : les inégalités sociales de santé, les effets du stress et ceux de la satisfaction au travail. Dans le premier champ, c'est le niveau des revenus qui est pris en compte ; dans les deux autres, c'est la satisfaction qu'ils procurent.

Le niveau de revenus peut influer sur l'accès aux soins, à une alimentation diversifiée ou à un logement de qualité. A l'inverse, une personne malade peut avoir des problèmes pour acquérir ou conserver un emploi, et donc un salaire. L'hypothèse d'une relation à double sens entre revenus et santé paraît donc vraisemblable. Mais elle reste difficile à démontrer. Principalement parce que le salaire signifie plus que la quantité d'argent disponible pour tenir jusqu'à la fin du mois. Il renvoie à d'autres caractéristiques des salariés, qui conditionnent aussi la santé, comme le niveau d'éducation, la catégorie socioprofessionnelle (CSP) ou les conditions de travail. Ainsi, si les études sur les inégalités montrent que les bas revenus ont plus de risques de mourir prématurément ou de souffrir de pathologies chroniques et de handicaps, la prise en compte des conditions de travail ou de la CSP peut atténuer le lien observé.

Facettes. Pour sa part, la satisfaction au travail est souvent mesurée par des échelles à plusieurs facettes, intégrant le salaire, mais aussi la charge de travail, son intérêt, les marges de manoeuvre, les relations au travail, la sécurité de l'emploi et les perspectives de carrière. En 2005, des chercheurs ont fait le bilan de 485 études consacrées à ce thème. Ils concluent à l'existence d'un lien fort entre insatisfaction et problèmes de santé mentale et à un lien plus faible avec des problèmes de santé physique.

Enfin, pour ce qui est du stress, l'item sur le salaire est l'une des onze questions de la dimension " récompense " du modèle de Siegrist. Ce modèle postule que le risque pour la santé naît d'un déséquilibre prolongé entre les efforts consentis au travail et la rétribution reçue en retour. Outre la question sur le salaire, la dimension " récompense " intègre des items comme la stabilité de l'emploi, les perspectives de carrière, le respect ou l'estime témoignés par la hiérarchie ou les collègues. Selon de nombreuses études, un déséquilibre entre effort et récompense favoriserait le développement de troubles psychiatriques, de maladies cardiaques et de troubles musculo-squelettiques (TMS).