Sécurité sanitaire : mariage forcé de l'Afssa et l'Afsset

par Joëlle Maraschin / octobre 2009

En dépit des réticences de la communauté scientifique, des syndicats et des associations, le gouvernement a décidé de fusionner deux des agences de sécurité sanitaire, l'Afssa et l'Afsset, au risque d'affaiblir l'expertise en matière de risques professionnels.

Ni vu ni connu. C'est par un amendement glissé dans la loi " Hôpital, patients, santé et territoires " (HPST) que le gouvernement a fait voter en catimini la fusion par ordonnance de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) avec celle des aliments (Afssa). La précipitation des pouvoirs publics inquiète d'autant plus les partenaires sociaux que l'évolution du dispositif de sécurité sanitaire devait faire l'objet d'une consultation. Or le comité de pilotage censé entendre les acteurs pour éclairer le choix du gouvernement n'a procédé à aucune audition. " Ce sont des économies aveugles, le dossier n'a aucunement été instruit ", déplore Michel Parigot, membre du conseil d'administration de l'Afsset au titre de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva).

La volonté affichée de rationalisation des moyens ne cacherait-elle pas en fait une reprise en main de l'Afsset, une agence de sécurité sanitaire dynamique ayant acquis une certaine indépendance ? La pertinence de ses expertises collectives et sa démarche de mise en débat public sont reconnues. L'organisation de sa gouvernance permet également un contrôle, même limité, et une participation effective des organisations syndicales comme des représentants de la protection de l'environnement, des consommateurs et des victimes à la politique de sécurité sanitaire environnementale et du travail. L'Afsset a d'ailleurs été saisie à plusieurs reprises par les associations présentes dans son conseil d'administration. " La question de la gouvernance est loin d'être anecdotique, souligne Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath, Association des accidentés de la vie, et administrateur de l'Afsset. Nous attendons avec impatience le texte de l'ordonnance qui organisera le nouvel établissement. "

Fusion ou absorption ?

Outre la crainte de voir disparaître cette représentation inédite de la société civile au sein d'une agence de sécurité sanitaire, les partenaires sociaux redoutent que les préoccupations de santé liées à l'environnement et au travail ne deviennent minoritaires au sein du futur établissement. Avec un effectif de 1 200 personnes, l'Afssa est quasiment dix fois plus importante que l'Afsset. " Les moyens créés pour l'Afsset [...] disparaîtraient et seraient dévoyés s'ils étaient dilués dans une grande agence comme l'Afssa ", s'étaient déjà inquiétés les associations et les syndicats administrateurs de l'agence dans une déclaration commune.

La communauté médicale et scientifique s'était aussi élevée contre la perspective d'une fusion entre les deux agences à l'époque où celle-ci n'était qu'un projet. Ainsi, le conseil scientifique de l'Afsset, par la voix de son président le Pr Paul Frimat, avait signalé dans un courrier adressé au ministre du Travail les risques d'affaiblissement du dispositif santé-travail en cas de fusion : " Le seul appel d'offres de recherche santé-travail-environnement existant actuellement en France risquerait de disparaître... et avec lui la structuration en cours des différentes équipes de recherche dans ce domaine. " Le comité d'experts spécial chimie de l'Afsset ou encore les deux coprésidents scientifiques du Plan national santé-environnement (PNSE) avaient défendu la nécessité de maintenir l'Afsset en tant que telle, ou tout au moins de la rapprocher d'instituts travaillant dans le même champ, comme l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ou l'Institut de veille sanitaire (InVS). Ce n'est visiblement pas le scénario qui a été retenu par les pouvoirs publics. Reste maintenant à attendre la publication de l'ordonnance qui précisera la gouvernance et les budgets alloués à la nouvelle agence.