Sombre constat sur le travail de nuit

par Martine Rossard / octobre 2010

Un rapport du Conseil économique, social et environnemental détaille l'impact négatif du travail de nuit sur la santé et la vie personnelle des salariés. Un bilan alarmant donnant lieu à des préconisations en matière de prévention.

Près d'un salarié sur cinq - soit 3,6 millions de personnes - et 570 000 non-salariés travaillent de nuit. Leur nombre a augmenté de près de 50 % depuis la levée de son interdiction pour les femmes, en 2001. Ces données figurent dans un rapport alarmant, Le travail de nuit : impact sur les conditions de travail et de vie des salariés, publié en juillet par le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

" Le fait de travailler la nuit n'est ni naturel, au regard des rythmes chronobiologiques, ni, sur une longue période, sans risques pour la santé des travailleurs ou sans perturbations de leurs conditions de vie ", peut-on lire dans ce rapport. Y sont cités des effets négatifs à court terme : troubles du sommeil, digestifs, psychiques, musculo-squelettiques. Mais aussi des effets différés : affections cardiovasculaires, usure prématurée et cancers, notamment colorectaux et du sein. En cause, pour les cancers, les perturbations des rythmes biologiques et de la production de mélatonine. " Il faudrait des études approfondies sur les conséquences du travail de nuit ", réclame François Edouard, le rapporteur, membre de la section travail du Cese.

Une banalisation inquiétante

Le rapporteur déplore une " banalisation " du travail de nuit et appelle à clarifier et limiter son recours aux cas indispensables. " Dans l'ensemble des pays européens, le travail de nuit décroît, mais en France il augmente ", constate-t-il. Commentant le rapport, la CGT évoque " des considérations de rentabilité du capital parfois couplée avec un chantage à la délocalisation ". L'avis rendu sur le travail de nuit a été approuvé par une majorité de membres du Cese, notamment par cinq des six organisations syndicales de salariés. Mais il a essuyé un refus de la part du groupe des entreprises privées. Ses membres ont dénoncé des " contre-vérités " au sujet des risques. Et ils ont estimé que réglementer plus strictement le travail de nuit serait " vouloir nuire gravement " à l'économie. La possibilité de retour à un poste de jour, préconisée dans l'avis, a été rejetée par ce groupe comme " inacceptable ". Pour sa part, la CFTC s'est abstenue, regrettant que ne soit pas affirmé " le primat de la vie personnelle et familiale ". François Edouard, président du département " droit de la famille " à l'Union nationale des associations familiales (Unaf), suggère pourtant des négociations " sur l'articulation des temps professionnels et familiaux et sur l'égalité professionnelle ".

Le rapport rappelle l'obligation de donner un repos compensateur aux salariés travaillant régulièrement de nuit. Mais il signale que les accords d'entreprise ou de branche privilégient généralement les majorations de salaire et traitent rarement du travail de nuit occasionnel ou ponctuel. François Edouard émet des préconisations précises : un repos compensateur équivalant à 8 % minimum du temps de travail ; un suivi médical renforcé ; l'amélioration des conditions de travail de nuit en associant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; une attention particulière en matière de formation, évolution de carrière et prise en compte de la pénibilité dans le cadre... de la réforme des retraites. Or le projet de loi sur l'allongement de la vie active, actuellement en débat au Parlement, ne règle pas la question. Quoi qu'il en soit, François Edouard a bien l'intention de rencontrer les parlementaires pour les sensibiliser aux méfaits du travail de nuit.

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