© Nathanaël Mergui/Mutualité française
© Nathanaël Mergui/Mutualité française

« Soumettre le document unique d’évaluation à la consultation »

entretien avec Pierre-Yves Verkindt professeur émérite à l’Ecole de droit de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et auteur d’un rapport remis au ministre du Travail en 2014, « Le CHSCT au milieu du gué »
par François Desriaux / juillet 2020

Le CSE est-il à la hauteur des enjeux de santé au travail, notamment dans le cadre de la pandémie actuelle ?
Pierre-Yves Verkindt : Je persiste à penser que la disparition du CHSCT est une erreur, dont tous ceux qui ont hystérisé la question de l’expertise ont fait, en définitive, payer le prix fort aux entreprises. Il était parfaitement possible d’aménager le fonctionnement de l’instance, par exemple en permettant d’expérimenter par la voie conventionnelle le rapprochement des délégués du personnel et du CHSCT, les deux institutions ayant en commun un ancrage dans le réel du travail. Or les idées des travailleurs sur les conditions de leur protection ont montré leur importance face à la pandémie. Plus largement, le pragmatisme et l’expérience sont au cœur de la prévention. Plus proche des centres de décision économique, le CSE ne me paraît pas configuré pour faire face à l’afflux de questions concrètes engageant le quotidien du travail et de l’activité. Pour ma part, j’espère que l’on mesurera demain le respect de l’obligation légale de sécurité au vu des moyens matériels et de formation qui auront été donnés à la CSSCT [commission santé, sécurité et conditions de travail, NDLR].


Précisément, la ministre du Travail a expliqué à plusieurs reprises que, face au risque de contamination, les entreprises n’avaient qu’une obligation de sécurité de moyens. Qu’en pensez-vous ?
P.-Y. V. :
Je perçois parfaitement bien l’élément de langage. Parler d’obligation de sécurité « de moyens » a pour fonction de « rassurer » ceux qui se souviendraient du débat sur la distinction entre « obligation de moyens » et « obligation de résultat ». Parler d’obligation de « moyens » est alors une façon de laisser croire qu’elle n’est pas de « résultat ». Mais ce vocabulaire n’est plus d’actualité en matière de prévention. Il n’y a pas d’obligation de sécurité de moyens, il y a une obligation de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé » des travailleurs. L’obligation n’est ni de moyens, ni de résultat, elle est légale et d’ordre public. Elle impose le respect d’une méthode de prévention, elle-même impérative, strictement définie à l’article L. 4121-2 du Code du travail. Le résultat, c’est-à-dire la prévention, doit être atteint. Il n’y a pas à tergiverser et les subtilités de langage n’y changeront rien. Point barre !


On a vu l’importance du document unique d’évaluation des risques (DUER) pour la reprise de l’activité. Ne faudrait-il pas le soumettre à la consultation du CSE ?
P.-Y. V. :
Tout à fait et c’était d’ailleurs l’une des propositions de mon rapport. Je pense que la rationalité des décisions en matière de prévention dépend de la qualité de la discussion qui les prépare. Soumettre le DUER à la consultation du CSE, ce serait faire de ce document un outil irremplaçable du dialogue social. Et donc un gage de réussite du déconfinement.