Suicides : les suites judiciaires

par Elsa Fayner / avril 2010

Dans les entreprises, le stress fait toujours parler de lui. Le cabinet Technologia, mandaté par France Télécom pour mener une étude sur les risques psychosociaux, a rendu son rapport en décembre. Celui-ci, réalisé à partir du dépouillement des 80 000 questionnaires remplis par les agents et de l'analyse de documents internes, dont des expertises CHSCT, est accablant pour la direction. Dans le même temps, les suicides se poursuivent. L'Observatoire du stress et des mobilités forcées a dénombré dix suicides ou tentatives de suicide supplémentaires dans l'entreprise en janvier et février.

L'opérateur téléphonique risque de devoir s'expliquer prochainement devant la justice. L'inspectrice du travail en charge de l'enquête sur les suicides a en effet adressé au procureur de la République un rapport accusateur pour " mise en danger d'autrui et harcèlement moral du fait de méthodes de gestion de nature à porter atteinte à la santé des travailleurs "1 . Elle a suivi la voie, préconisée par le ministère du Travail, de l'article 40 du Code de procédure pénale, lequel prévoit qu'un fonctionnaire qui a connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en informer le parquet.

Juge et partie. Actionnaire majoritaire de France Télécom, l'Etat va se trouver juge et partie dans cette affaire. Comment se positionnera-t-il, notamment au vu des récentes prises de position du ministère du Travail ? Cela déterminera en grande partie l'attitude du parquet. A un détail près : mi-décembre, la fédération Sud-PTT a également porté plainte contre la direction de France Télécom pour mise en danger d'autrui et harcèlement moral. Si le parquet refuse de poursuivre, le syndicat pourra se constituer partie civile au bout de trois mois, comme le permet la procédure, et la plainte devra être instruite.

D'autres entreprises ont déjà dû répondre à la barre. Ainsi, le 17 décembre dernier, le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Nanterre a condamné Renault pour " faute inexcusable ", suite au suicide en 2006 d'un de ses salariés au Technocentre de Guyancourt (Yvelines). Ont été mis en cause l'impact des objectifs et des nouvelles organisations du travail, la surcharge de travail, mais aussi l'absence de mesures collectives de protection des salariés contre le risque de suicide et d'identification de la montée du risque concernant le salarié. Renault - qui fait partie de la liste verte des entreprises luttant contre le stress telle que définie par le ministère du Travail (voir article ci-dessus) - a fait appel.