Témoin gênant

par
© N. M./FNMF © N. M./FNMF
Dominique Huez médecin du travail
/ octobre 2010

C'est fait. La médecine du travail, chargée de prévenir, veiller et alerter des effets du travail sur la santé, a disparu, au détour d'un amendement déposé à la sauvette, sans débat démocratique et dans un cadre déjà sujet à un immense chambardement social, celui de la réforme des retraites. J'entends déjà les arguments rassurants de ceux qui diront que le plus grave a été évité, parce que la mention plaçant le médecin du travail sous l'autorité de l'employeur a finalement disparu. C'est un leurre.

Dans les services interentreprises, l'ersatz de paritarisme qui vient d'être adopté n'empêchera pas le directeur du service, représentant direct de l'employeur, d'avoir désormais le dernier mot sur les priorités d'action de prévention. Il n'en fallait pas davantage pour ébranler l'édifice juridique qui confère au médecin du travail, de par son statut, une responsabilité unique, celle d'agir dans l'intérêt exclusif de la santé du salarié, à l'abri des contraintes économiques de l'entreprise.

Avec cette évolution, une compétition va s'installer entre un principe d'ordre médical, celui d'éviter toute altération de la santé, et un principe de réalité économique, celui de subordonner la réduction des risques aux marges de manoeuvre de l'entreprise. Et à la fin, qui croyez-vous qui l'emportera ? Il ne faudra pas longtemps pour que le médecin du travail ne nomme plus les risques que l'employeur ne voudra pas voir. Le patronat voulait faire disparaître ce témoin gênant. Il n'est pas loin d'avoir gagné la partie.