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Des tests Covid en entreprise à surveiller de près

par Nolwenn Weiler / 24 novembre 2020

Les employeurs peuvent proposer des tests de dépistage du Covid-19 à leurs salariés. Bien que partagés sur l’utilité de cette disposition et inquiets sur le respect du secret médical, les professionnels de santé au travail réfléchissent à sa mise en œuvre concrète.

Les employeurs peuvent désormais organiser des actions de dépistage du Covid-19. C’est ce que prévoit le protocole sanitaire destiné aux entreprises, publié le 29 octobre dernier par le gouvernement. Il s’agira de tests « antigéniques », intégralement financés par les entreprises, réalisés auprès de salariés volontaires, avec des résultats disponibles en 15 à 30 minutes. Le gouvernement n’a en revanche pas précisé qui serait habilité à réaliser ces tests : la médecine de ville ? La médecine du travail ? Les deux ? Les professionnels de santé au travail se posent des questions.

Des tests pour qui, comment ?

« On ne voit pas bien comment cela va se faire concrètement, intervient Nadine Rauch, présidente du Groupement des infirmiers de santé au travail. Dans les entreprises sans infirmerie, où seront effectués les tests ? Dans la cafétéria devant tout le monde ? » « Les professionnels qui vont réaliser les tests devront être équipés de masques FFP2, et de blouses chirurgicales, réagit Gérard Lucas, praticien et président du Conseil national professionnel de médecine du travail (CNPMT). Et il faut aménager un local en anticipant les allées et venues, l’aération, le nettoyage. » Certains services de santé au travail ont anticipé ces difficultés. Ainsi, en Franche-Comté, l’Organisme pour la prévention et la santé au travail (Opsat), dont dépendent 160 000 salariés, pense utiliser des camions mobiles qui viendraient vers les entreprises.
Même si aucun texte officiel ne le précise, il semble acquis que ce sont les infirmiers et infirmières de santé au travail qui feront les tests, sur la base du volontariat et après avoir reçu une brève formation. Certains secteurs géographiques ou professionnels seront-ils privilégiés ? Selon Marielle Dumortier, médecin du travail en région parisienne, « les entreprises où il est difficile de respecter les gestes barrières doivent être prioritaires. Je pense par exemple au secteur médico-social et aux lieux qui accueillent de jeunes personnes handicapées ». « En Franche-Comté, nous avons mis en place des critères de sélection pour les entreprises qui nous demanderont à organiser des tests », explique Esther Szwarc, médecin du travail à l’Opsat : le risque de développement d’un cluster, avec des espaces de travail confinés, fait partie de ces critères.

Priorité aux mesures barrières

Cependant, avant de pratiquer ces tests, les professionnels de santé au travail sont d’avis que les entreprises se concentrent sur l’optimisation des mesures barrières. « Et de ce côté-là, elles peuvent faire beaucoup mieux », considère Gérard Lucas : « Les employeurs et les syndicats doivent être conscients que les tests ne permettent pas d’éliminer le Covid. Il peut y avoir des faux négatifs. Et ils sont particulièrement nombreux parmi les asymptomatiques. Les mesures barrières restent donc indispensables. » Pour le praticien, le CSE, consulté sur la mise en place de tests, devrait s’assurer au préalable que les mesures barrières sont bien effectives au sein de l’entreprise.
Au-delà de l’utilité des tests, leur utilisation suscite aussi des inquiétudes, notamment concernant le secret médical. « Aucun résultat ne peut être communiqué à l’employeur », signale le ministère du Travail, qui insiste sur « la stricte préservation du secret médical ». Dans la réalité, c’est évidemment plus compliqué. En premier lieu parce que les infirmières du travail, censées effectuer les tests, ne disposent pas d’un statut protecteur, comme les médecins. Pourront-elles refuser d’envoyer des résultats de tests à un employeur qui les leur demanderait, si la direction du service de santé au travail est d’accord ? « Elles sont en position de fragilité, c’est évident », glisse Gérard Lucas. « Si un salarié est arrêté à la suite d’un test, l’employeur saura pourquoi, ajoute Esther Szwarc. Au niveau du secret médical on est vraiment sur le fil. » « Des informations médicales révélées à l’occasion de la crise sanitaire du Covid pourraient se retourner contre les salariés avec, par exemple, des discriminations au moment des promotions », intervient de son côté Marielle Dumortier, invitant tout un chacun à la vigilance.