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Tous masqués au travail… ou presque

par Joëlle Maraschin / 10 septembre 2020

Le nouveau protocole Covid-19 en entreprise rend « systématique » l’utilisation du masque dans les espaces partagés et clos. Mais les dérogations prévues pourraient limiter la portée de la mesure. Et il faut malgré tout prendre en compte les contraintes physiologiques de son port pour adapter l’organisation de l’activité.

Mis en ligne le soir du 31 août pour une application au 1er septembre, le « protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 » consacre le port du masque afin de prévenir les risques de transmission du virus par aérosols. Un équipement de protection obligatoire, sauf dans les bureaux individuels et en extérieur, qui complète d’autres mesures de prévention : distance physique d’au moins un mètre, hygiène des mains, gestion de la circulation des personnes ou encore nettoyage, ventilation et aération des locaux. Lesquelles devraient être mises en œuvre par le dialogue social, dont le document rappelle en préambule l’importance. L’objet préconisé est un masque « grand public réutilisable » en tissu, sauf pour les travailleurs à risque de formes graves de Covid-19 pour lesquels le protocole prévoit des masques chirurgicaux plus protecteurs.
Précisant s’appuyer sur un avis du 28 août du Haut conseil de la santé publique (HCSP), jusqu’alors resté étrangement confidentiel, le gouvernement prévoit des dérogations à ce principe général. Le Medef, réticent à l’obligation du masque au travail en toutes circonstances, s’est félicité de cet assouplissement. Le protocole indique cependant que ces adaptations doivent faire l’objet d’une analyse des risques de transmission du virus et « d’échanges avec les personnels ou leurs représentants ».

Ateliers et chantiers exemptés

Une exception pour les salariés travaillant en atelier est prévue, au motif qu’ils sont « amenés à effectuer des efforts physiques plus intenses que la moyenne ». Alors que ces efforts augmentent la ventilation pulmonaire et, de facto, le risque de contamination. Quelques vagues mesures devront être respectées, comme une ventilation et aération « conformes à la réglementation », une « limitation » des personnes travaillant dans une même zone et un respect « de la plus grande distance possible » entre elles.  Cette dérogation est subordonnée au port d’une visière, un équipement que le HCSP a pourtant recommandé, en mai dernier, de n’utiliser qu’en complément du masque. L’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et de travaux publics (OPPBTP) s’est engouffré dans la brèche pour actualiser son guide sanitaire, considérant que l’exemption pour les ateliers s’applique aux chantiers clos et couverts.

Eclipses du masque

Pour les autres lieux de travail collectifs clos, comme les open spaces, le protocole indique qu’un salarié à son poste peut « ranger son masque à certains moments de la journée et continuer son activité », dès lors que des mesures de prévention adéquates sont respectées. Cela doit être « temporaire », sans plus de précision sur la durée. « Le salarié n’a pas la possibilité de quitter son masque pendant toute la durée de la journée de travail », signale simplement le texte.
Un tableau annexé au document détaille les conditions nécessaires pour permettre un port « intermittent » du masque. Elles diffèrent selon que l’entreprise se trouve en zone « verte » à faible circulation du virus (ventilation/aération fonctionnelle, écrans de protection entre les postes, visières, présence d’un référent Covid-19 et procédure de gestion des personnes symptomatiques), en zone « orange » à circulation modérée (il faut, en plus, des locaux de grand volume et disposant d’une extraction d’air haute) ou en zone « rouge » à circulation active (s’ajoute une ventilation mécanique et un espace de 4 m2 par personne).
« De nombreuses entreprises nous contactent pour savoir si elles rentrent dans les dispositions prévues par ce tableau, constate Virginie Rascle, présidente de l’AFISST, association qui représente les préventeurs des services de santé au travail. C’est quand même réducteur pour une démarche globale de prévention des risques ». Et de souligner que le nouveau protocole sanitaire n’évoque toujours pas les problèmes connexes de la pandémie, risques psychosociaux mais aussi troubles musculo-squelettiques – les barrières en plexiglas entraînant par exemple une limitation des marges de manœuvre.

Effets physiologiques

Néanmoins, nombre de salariés portent désormais cet équipement au travail. Agnès Aublet-Cuvelier, chef du département Homme au travail à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), attire l’attention sur ses effets physiologiques potentiels. En cas d’effort physique intense sur une durée importante, le masque est susceptible de provoquer une légère augmentation du taux de CO2 dans le sang. « Cette hypercapnie peut entraîner des maux de tête chez certaines personnes ou des attaques de panique chez d’autres, sujettes à la claustrophobie », explique-t-elle. Entre difficultés respiratoires, irritations cutanées ou encore réduction du champ de vision, le masque augmente la pénibilité perçue. « Des mesures organisationnelles, comme une modération des efforts physiques et l’aménagement de pauses pour le retirer en toute sécurité, permettent de limiter ces risques », continue Agnès Aublet-Cuvelier.
Afin de favoriser l’acceptation du masque par les personnels et son bon usage, Liên Wioland, responsable d'études dans le même département de l’INRS, préconise d’ouvrir un espace de dialogue au sein de l’entreprise. Pour partager l’analyse des différentes situations d’exposition et la façon dont chacun fait face aux aléas, par exemple les solutions élaborées pour communiquer le visage couvert. « On peut ainsi permettre à chaque salarié de tester plusieurs modèles et d’adopter le plus approprié à son confort », conseille Liên Wioland. Autant de pistes à explorer avec les salariés que l’Institut a recensées dans une publication.