Le travail d’après

par
© N. M./FNMF © N. M./FNMF
François Desriaux rédacteur en chef
/ avril 2020

Editorial

L’histoire retiendra qu’en cette première partie du XXIe siècle, c’est un organisme ne mesurant qu’une centaine de nanomètres qui a réussi à stopper net la course folle du monde vers l’abîme climatique.
Evidemment, cet ultime coup de semonce n’est pas gratuit. La catastrophe sanitaire due au Covid-19 risque d’être effroyable. Quant à la crise économique qui va prendre le relais de la pandémie, les experts en tout genre nous promettent le pire. Aussi, il est à craindre, au vu notamment de la pression qui s’exerce déjà de la part de certains secteurs économiques et d’une partie de l’exécutif, qu’une fois « déconfinés », nous devions mettre les bouchées doubles pour compenser la perte de la sacro-sainte croissance. Business as usual, à l’image de ce qui s’est passé juste après l’épisode dépressif de 2008 : l’influence sera forte pour reprendre, et en vitesse, le monde d’avant.
Ce serait sans doute une erreur pire encore que celles qui ont précipité l’ampleur de la catastrophe. A tout le moins, il faudra tirer les leçons de notre défaillance à faire face à cette crise sanitaire et revoir notre capacité à disposer de masques et de gel hydroalcoolique en quantité suffisante pour protéger efficacement tous ceux dont le travail est indispensable à la survie de la population. Et pas seulement les personnels de santé. Ensuite, il conviendra de s’attaquer enfin, et avec une obligation de résultat, à la crise des services publics en général et à celle de l’hôpital en particulier. Il ne suffit pas d’élever les soignants au rang de héros de la Nation dans chaque discours officiel, ni de les applaudir chaque soir à 20 heures si, une fois la crise passée, on oubliait notre dette envers ceux qu’on a laissés depuis des années supporter des conditions de travail inacceptables. Toutes celles et tous ceux qui participent au bien commun, à l’intérêt général, qu’ils exercent dans un Ehpad, une communauté de communes, à l’école ou encore dans un service de sauvegarde de l’enfance, doivent avoir les moyens de faire un travail de qualité.
Enfin, le président de la République s’est engagé clairement à questionner notre modèle de développement après la crise. Tant mieux. Mais au-delà des aspects macroéconomiques et de l’impératif écologique, la question du travail doit faire partie de notre introspection. On est allé trop loin dans la rationalisation des tâches, dans le lean management, dans l’intensification. Le travail n’est plus humain, dans le sens où il a perdu ce qui fait son humanité. Repenser son organisation pour faciliter l’initiative et la coopération, pour permettre une meilleure régulation, pour faire face à l’imprévu qui finit toujours par arriver, pour faire en sorte que chacun puisse se reconnaître dans ce qu’il fait et en être fier, cela doit être « notre projet ! ».