Le travail de nuit nuit

par
© Nathanaël Mergui/FNMF © Nathanaël Mergui/FNMF
Sophie Prunier-Poulmaire, maîtresse de conférences en ergonomie à l’université de Nanterre.
/ octobre 2022

Dans une étude menée auprès de soignants en équipe de nuit, et publiée dans la revue scientifique EBioMedicine en juin, une équipe de recherche franco-britannique a montré une altération importante de leur horloge biologique. Ces perturbations, enregistrées grâce à un dispositif de télémédecine, persistent pendant les jours de repos chez 20 % des personnes et s’aggravent avec le nombre d’années de travail de nuit. Elles pourraient constituer, selon les auteurs, un signal précoce annonciateur de l’augmentation du risque de cancer et d’autres pathologies, déjà solidement étayée dans la littérature internationale. Cette dernière recherche montre en quoi le « télémonitoring » des rythmes circadiens peut constituer un nouveau moyen de surveillance de la santé des travailleurs de nuit et participer à une politique de prévention personnalisée de ces populations. Il est essentiel d’alerter les salariés des risques sanitaires encourus dès lors que leur métier exige une activité nocturne. Mais la réponse à ce problème de santé publique ne saurait être uniquement individuelle. Car elle renverrait les salariés à des choix douloureux entre leur santé et leur travail. L’acquis des connaissances scientifiques sur la nocivité du travail de nuit impose d’en réduire le recours au strict nécessaire, d’en limiter la durée et d’organiser les transitions professionnelles pour anticiper le retour à des horaires diurnes.