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S'émanciper de la religion du chiffre

par François Desriaux / juillet 2012

Les médecins du travail, les élus de CHSCT et leurs experts ont-ils tous reçu la mallette du " petit épidémiologiste " à leur entrée en fonction ? En une vingtaine d'années, la religion du chiffre dans le domaine de la santé au travail s'est imposée. Impossible aujourd'hui d'aborder un problème dans une entreprise sans aligner d'abord une série de tableaux Excel. Or autant les grandes enquêtes nationales ou européennes sur les conditions de travail ont fait progresser les connaissances et le débat social, autant il est permis de douter que la production de données au niveau local ait les mêmes vertus.
A bien des égards, l'énergie dépensée pour produire des statistiques est contre-productive. Déjà, parce que vouloir faire la preuve par neuf que le problème de santé identifié est bien dû au travail ne donne pas forcément d'indications sur les remèdes. Ensuite, parce que l'élaboration de " camemberts " éloigne souvent les acteurs du terrain, les privant ainsi de précieuses ressources pour transformer le travail. Enfin, parce qu'il n'est pas rare que les enquêtes locales s'affranchissent de règles élémentaires, tant méthodologiques que déontologiques.
Alors, avant de se lancer dans une enquête chiffrée, il faut bien réfléchir à l'utilisation qui en sera faite, puis préserver, tout au long de la démarche, la confrontation des points de vue.

Les apports essentiels des enquêtes nationales

par Thomas Coutrot chef du département des conditions de travail et de santé à la direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail / juillet 2012

Menées pour certaines depuis plus de trente ans, les enquêtes nationales sur les questions de santé au travail ont permis d'identifier les contraintes ou expositions à risque auxquelles sont confrontés les salariés, ainsi que leurs évolutions.

La France dispose d'un dispositif statistique sur la santé au travail dont l'ampleur et la continuité suscitent souvent l'envie des spécialistes étrangers. Cela tient pour une large part à des décisions prises par les pouvoirs publics dans les années 1970, à commencer par le lancement d'une enquête nationale sur les conditions de travail, suite notamment aux luttes des ouvriers spécialisés contre le " travail en miettes ".

Bien documenter les expositions

Cette enquête, réalisée pour la première fois en 1978 par l'Insee pour le ministère du Travail, a connu une remarquable postérité. Elle a été rééditée en 1984, 1991, 1998 et 2005 et sa prochaine livraison est prévue pour la fin de l'année. Menée jusqu'en 2005 en complément à l'enquête Emploi de l'Insee, elle a pour principaux objectifs de décrire les situations de travail des actifs occupés - salariés ou indépendants, du privé ou du public - et d'apprécier l'ampleur des évolutions. Elle demande aux personnes une description du travail via des questions à caractère pour partie subjectif - " Portez-vous des charges lourdes ? " - mais ancrées dans l'expérience du travail réel. Cette enquête a permis de décrire la permanence...

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