Bananeraie en Guadeloupe - © Nathanaël Mergui/Mutualité française
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Chlordécone : « La responsabilité de l’Etat est entière »

par Eliane Patriarca / 29 novembre 2019

L’Etat est le « premier responsable » du scandale du chlordécone aux Antilles, selon les conclusions d’une commission d’enquête parlementaire présentées le 26 novembre. Commentaires d’Eric Godard, ingénieur sanitaire qui lança l’alerte sur la pollution environnementale en 1999.

Chargé de mission interministériel chlordécone de 2007 à 2013, vous avez à ce titre témoigné devant la commission d’enquête parlementaire sur l’impact de l’utilisation de cet insecticide toxique aux Antilles. A l’instar de la commission, qui a présenté ses conclusions le 26 novembre, estimez-vous que l’Etat est le « premier responsable » de ce scandale sanitaire et environnemental ?

Eric Godard : J’ai toujours considéré la responsabilité de l’Etat comme entière dans ce dossier. On ne peut reprocher aux producteurs de bananes d’avoir utilisé un produit qui avait été autorisé par le ministère de l’Agriculture. Sauf évidemment pour ceux qui auraient fraudé et continué à l’utiliser après l’interdiction, ce qui ne paraissait pas préoccuper les services de l’Etat outre mesure jusqu’en 2002.

Le chlordécone, ultratoxique et ultrapersistant

Durant plus de vingt ans, le chlordécone, insecticide ultratoxique et ultrapersistant, a été utilisé massivement dans les plantations de bananes antillaises afin de lutter contre le charançon. Banni aux Etats-Unis dès 1975, classé cancérogène possible par l’Organisation mondiale de la santé en 1979, il n’a pourtant été interdit en France qu’en 1990, et trois ans de dérogations ont encore permis son usage aux Antilles jusqu’en 1993. Aujourd’hui, les sols à vocation agricole, les eaux et la chaîne alimentaire sont en partie contaminés, le sang de 92 % des Martiniquais et de 95 % des Guadeloupéens est imprégné par cette molécule et le taux d’incidence du cancer de la prostate est parmi les plus élevés au monde.

 

Mais les groupements de planteurs de bananes n’ont-ils pas aussi exercé une forte pression auprès du ministère pour obtenir des dérogations ?

E. G. : Ce n’est pas anormal de leur part ! Mais au-delà de la responsabilité juridique, il y a la responsabilité morale de ceux qui avaient connaissance des méfaits de la molécule, notamment après son interdiction aux Etats-Unis, et ont pourtant...

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