Les métiers du soin ont subi une intensification du travail et une hausse des exigences émotionnelles © AdobeStock
Les métiers du soin ont subi une intensification du travail et une hausse des exigences émotionnelles © AdobeStock

La crise sanitaire n’a pas épargné les conditions de travail

par Catherine Abou El Khair / 31 mai 2021

Selon une récente enquête du ministère du Travail, la crise du Covid-19 s’est traduite par une dégradation, plus ou moins forte, des conditions de travail pour quatre travailleurs sur dix. En revanche, une bonne moitié des actifs occupés n'a pas subi d'impact significatif.

Quels ont été les effets de la crise sanitaire sur les conditions de travail ? L’enquête TraCov1 , menée par la direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail, vient apporter des éléments de réponse statistiquement robustes sur ce sujet, qui préoccupe les acteurs de la prévention. Ses résultats, publiés vendredi 28 mai, sont fondés sur les réponses de 17 216 individus en emploi représentatifs de la population française, interrogés en début d’année 2021.
Tout d’abord, la crise sanitaire peut être associée à une dégradation de l’état de santé perçu par les travailleurs. 30 % des actifs occupés déclarent ainsi un état de santé « altéré » en janvier 2021, soit 5 points de plus qu’en 2019. Par ailleurs, 23 % affichent un risque élevé de dépression au regard de leur score au WHO-5, le questionnaire de l’Organisation mondiale de la santé mesurant le bien-être psychologique. Une proportion deux fois plus importante qu’avant la crise. Pour la Dares, cette dégradation « peut être en partie expliquée par les évolutions des conditions de travail ».

Des travailleurs plus ou moins protégés

Toutefois, la pandémie n’a pas affecté les actifs en emploi de la même manière. Pour 54 % d’entre eux, l’étude TraCov observe « peu d’impact » sur les conditions de travail. Ces actifs relativement épargnés se trouvent dans le monde agricole, l’industrie et la construction. Il s’agit plus souvent d’ouvriers ou d’employés qui ont travaillé sur site. Dans leur cas, l’activité économique est restée plutôt stable, ou a légèrement baissé, et la présence sur site « avec peu de surcharge de travail a été accompagnée de coopération et de soutien importants au sein du collectif de travail », précise la Dares.
En revanche, plus de quatre actifs sur dix ont subi une dégradation plus ou moins marquée de leurs conditions de travail. Dans le détail, 32 % des actifs ont été confrontés à des conditions de travail « en partie dégradées », marquées par une « intensification » du travail et une hausse des exigences émotionnelles. Et 11 % des actifs ont connu une « dégradation importante » de leurs conditions de travail. Avec dans les deux cas des effets sur la santé. Les individus de ces deux groupes ont respectivement « 3 et 8 fois plus de risques de déclarer souffrir davantage de troubles du sommeil qu’avant la crise, d’avoir des douleurs plus fréquentes ou plus fortes, ou d’être en situation de risque élevé de dépression », selon la Dares. Enfin, ces actifs redoutent, plus que les autres, d’être contaminés par le SARS-CoV-2 et ont davantage contracté le virus.

Secteurs sous pression

Dans le premier groupe, concerné par une intensification du travail, les secteurs de la santé, de l’action sociale, de l’enseignement ou encore du commerce de détail sont surreprésentés. Les actifs concernés rapportent une hausse importante de la quantité de travail à fournir, un quart indiquant des objectifs non adaptés au contexte. Ils évoquent aussi une augmentation des exigences émotionnelles, résultat de multiples facteurs : surcharge de travail, hausse des conflits de valeur, contact avec des populations fragiles ou en détresse… L’étude note toutefois quelques éléments positifs venant contrebalancer la pression accrue : une plus grande autonomie, davantage d’aide des chefs et des collègues et de « respect pour le travail réalisé ». « Un quart des individus de ce groupe déclarent un renforcement du sens de leur travail », ajoute également la Dares.

Une minorité qui cumule les contraintes

Concernant le second groupe, confronté à une forte dégradation des conditions de travail, tous les indicateurs sont plus fréquemment dans le rouge : durée et charge de travail accrue, horaires atypiques, intensification de l’activité, fortes exigences émotionnelles, moindre sens du travail et soutien, faible autonomie… « Dans ce groupe, les transformations entraînées par la crise ont conduit à entraver l’exercice du travail, du fait de problèmes de coopération au sein du collectif, de difficultés à maîtriser les outils numériques ou de qualité empêchée », explique la Dares. Les femmes, les cadres et les professions intermédiaires y sont surreprésentés. Les actifs concernés travaillent plus souvent dans les secteurs de l’enseignement et des services, notamment dans les activités bancaires et d’assurance. Plus souvent que les autres, ils ont travaillé à distance. Non sans difficultés. Les trois quarts de ceux qui utilisent des outils numériques déclarent rencontrer des difficultés avec leur usage. « Beaucoup font état d’une moins bonne adaptation des moyens disponibles pour effectuer correctement leur travail (matériels, logiciels, information, formation, espace de travail, etc.) », note la Dares.

  • 1TraCov, pour « le vécu du travail et du chômage pendant la crise sanitaire liée au Covid 19 ».